Amateurs d'épices insensibles au spray au poivre

INFO OU INTOX • La police et les garde-frontières genevois rapportent avoir eu des problèmes à neutraliser des suspects habitués à manger du piment.

  • La «résistance» au spray au poivre ne concernerait qu'une très petite minorité de suspects.

    La «résistance» au spray au poivre ne concernerait qu'une très petite minorité de suspects.

Le spray au poivre est-il une arme infaillible? On peut en douter. Un bruit court auprès des forces de l'ordre que si la personne contre qui le spray est utilisé a l'habitude de manger très épicé, l'effet peut être moindre, ce qui est loin d'être prouvé par des études scientifiques. Cette histoire piquante, si l'on ose dire, est rapportée par Jean-Philippe Brandt, porte-parole de la police genevoise. Interrogés, plusieurs policiers et garde-frontières ont ainsi pu constater qu'ils avaient un mal inhabituel à neutraliser un suspect avec leur spray au poivre, d'ordinaire si efficace. Régime alimentaire ou autre raison, la question reste ouverte.

Sécrétion d'endorphines

D'un point de vue scientifique, ce phénomène pourrait s'expliquer par le fait que la consommation de piment provoquerait une sécrétion d'endorphines, lesquelles entraîneraient une accoutumance, voire une dépendance au piment dans l'alimentation, et donc une «résistance» au spray au poivre. Jean-Philippe Brandt précise toutefois que ce phénomène de résistance au spray au poivre ne concernerait qu'une très petite minorité de suspects. Il peut d'ailleurs témoigner lui-même que le spray au poivre n'est pas une arme anodine: «Nous avons pour habitude de tester ce produit sur nous-mêmes dans le cadre de la formation.»

Tests douloureux

«Expérience faite, ce genre de test n'est pas drôle du tout», souligne-t-il. Il faut bien 30 à 45 minutes à un individu normal pour s'en remettre. Ces aérosols contiennent en effet des extraits de paprika, de piments ou de poivre de Cayenne. Des substances irritantes qui déploient leurs effets en quelques secondes: elles piquent les yeux, provoquent des larmoiements, causent des démangeaisons de la peau et des brûlures sur les muqueuses des voies respiratoires. La procédure policière veut d'ailleurs que des soins soient rapidement apportés à la personne sprayée. «Il faut abondamment lui rincer les yeux à l'eau claire, voire appeler un médecin», indique Jean-Philippe Brandt.Dans le canton de Vaud, la police se montre surprise par cette découverte: «Nous savons que les réactions peuvent différer d'un individu à l'autre, notamment en fonction de la concentration du produit, mais il est difficile de tirer des généralités». Quant à la police fribourgeoise, elle affirme n'avoir pas entendu parler de ce problème. Il est vrai qu'au pays de la double crème et du caramel de la Gruyère, on est rarement porté sur le piment.

«Absolument rien de scientifique»

ChZ • Le spray au poivre serait moins efficace envers les personnes habituées à manger très épicé? «Je n'ai jamais entendu une telle thèse», sourit André Cominoli, chimiste cantonal adjoint. Il se demande par ailleurs quels seraient les justificatifs scientifiques qui le démonteraient: «Le spray au poivre, comme on le sait, agit sur les yeux. La nourriture épicée se fait par ingestion, donc la voie est différente. Je suis étonné par une telle constatation, qui , à mon, avis, n'a absolument rien de scientifique.»