Assurances sociales: les détectives privés en action

Depuis le 1er octobre, la loi permet aux assureurs de faire appel à des détectives privés pour traquer les abus. Enregistrements visuels, sonores et recours à des techniques de localisation sont autorisés. Explications.

  • La surveillance des assurés a été acceptée à une large majorité lors de la votation

    La surveillance des assurés a été acceptée à une large majorité lors de la votation du 25 novembre 2018. 123RF/ANDRIY POPOV

«Nous ne traquons, chassons et piégeons personne»

Léonard Bruchez, directeur d’ACI Investigations

L’entrée en vigueur de la législation sur la surveillance des assurés, acceptée par les citoyens à une large majorité de près de 65% en votation le 25 novembre 2018, pourrait susciter de nouvelles vocations à Genève. Dès le 1er octobre en effet, les assurances sociales peuvent à nouveau faire appel à des détectives privés pour traquer les fraudeurs.

Bases légales

Concrètement, enregistrements visuels, sonores et recours à des techniques de localisation sont autorisés. «Notre travail consiste essentiellement à observer les faits et gestes d’un individu hors de son domicile depuis un endroit librement accessible», clarifie Léonard Bruchez, directeur d’ACI Investigations. Avant de poursuivre: «Nous les documentons et les rapportons de manière totalement neutre et sans porter un quelconque jugement. Nous ne traquons, chassons, piégeons personne. Nos observations sont effectuées dans le plus strict respect de la loi et de la vie privée de chacun.»

Il est vrai que les nouvelles dispositions stipulent clairement que les normes de sécurité des données et de confidentialité doivent être garanties. Ainsi, les détectives privés sollicités devront notamment détenir une autorisation, avoir suivi une formation spécifique et remplir une série de conditions. Prouver, par exemple, qu’ils n’ont pas commis de délit en lien avec cette activité et qu’ils disposent des connaissances juridiques requises. Les assureurs sont également tenus d’informer les personnes qui ont fait l’objet d’une observation.

Moutons noirs

Ce cadre légal rigoureux s’explique en partie par le fait que la profession de détective privé, non réglementée par l’Etat, est encore marquée par des pratiques abusives. «La votation sur les détectives a donné lieu à de nombreux commentaires négatifs sur la profession et a cruellement mis en lumière le manque de structures et de formation, particulièrement en droit», explique Alexis Pfefferlé, cofondateur de l’agence Heptagone. «C’est pour offrir un cadre aux professionnels et un annuaire de prestataires sérieux au public que nous avons décidé de créer l’Association suisse des professionnels de l’investigation et du renseignement économique (Aspire)», précise-t-il.

Boom

Reste à préciser quelles sont les qualités essentielles pour être ou devenir un bon détective? «La patience, la rigueur et la discrétion», répond Alexis Pfefferlé. «Il faut aussi être curieux, en bonne condition physique, disponible, malin, débrouillard, attentif et avoir une bonne connaissance du droit commercial et pénal», complète Christian Sideris, fondateur de l’école de détectives privés Eyesberg.

Autrement dit, des aptitudes que beaucoup de personnes pensent aisément remplir. C’est sans doute une des raisons qui explique la forte augmentation de détectives privés dans le canton. En dix ans, leur nombre est passé de 123 à plus de 280. «Il faut savoir que Genève est, avec Neuchâtel, l’un des deux seuls cantons à délivrer un badge. Donc, beaucoup de détectives viennent s’inscrire au bout du lac», indique Léonard Bruchez. Un boom que relativise Christian Sideris: «Beaucoup se lancent dans le métier en pensant que ce sera facile. Puis, au bout de quelques semaines, lâchent prise. Je connais au moins une cinquantaine de détectives qui ont un badge mais qui exercent en réalité comme agent de sécurité.»