Coup de marteau sur le crâne: «J’ai eu l’impression de mourir»

Un jeune homme se confie sur la violente agression gratuite dont il a été victime, il y a un peu plus d’un an. A l’issue du procès, qui a eu lieu en octobre, son agresseur a été reconnu coupable de tentative de meurtre.

  • «Je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir», réagit Jules (de dos). Son avocat, Me Robert Assaël met en avant le traumatisme psychologique de son client. STEPHANE CHOLLET

    «Je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir», réagit Jules (de dos). Son avocat, Me Robert Assaël met en avant le traumatisme psychologique de son client. STÉPHANE CHOLLET

Sa voix est faible, son regard fuyant, ses gestes trahissent son anxiété. Au moment de s’asseoir, Jules* choisit sa place avec soin. «Toujours dos contre le mur», explique-t-il. Pour cause: le 31 août 2018, à 17h15, au sentier des Saules, au bord du Rhône, à la Jonction, ce jeune homme a reçu un coup de marteau à l’arrière du crâne. «Avec le côté pointu», précise-t-il en dévoilant la cicatrice.

Son agresseur, alors âgé de 23 ans, est arrivé en marchant, a sorti l’outil de son manteau et l’a frappé par-derrière, de manière aussi soudaine qu’inexpliquée. «Puis, il a ricané avant de partir en courant», poursuit Jules. C’est du moins, ce que ses amis, témoins de la scène, lui ont raconté. Car, lui, ne se souvient que de la douleur. Intense, foudroyante. «J’ai eu l’impression de mourir.» Il perd immédiatement connaissance avant de se réveiller quelques minutes plus tard, entouré de ses proches qui lui conseillent de ne pas bouger alors qu’ils préviennent les secours.

Fracture du crâne

S’en suivent onze jours d’hospitalisation, dont cinq dans le silence et le noir total. La radio montre une fracture du crâne occipital. Jules souffre aussi d’une lésion de la moelle épinière. «C’était comme si un courant électrique me parcourait tout le corps, surtout en position allongée.» Aujourd’hui, la lésion est en voie de guérison. Les maux de tête, eux, demeurent fréquents, «surtout avec le retour du froid». Autant de séquelles que l’avocate de son agresseur a tenté de qualifier de «lésions corporelles simples».

Hospitalisé six fois en psychiatrie

De quoi faire bondir Me Robert Assaël, avocat de la victime, qui, lui, a plaidé la tentative d’homicide. Le tribunal de police lui a donné raison. Le 10 octobre, il a déclaré le prévenu coupable de tentative de meurtre et l’a condamné à une peine de 18 mois de prison suspendue en faveur d’un traitement en milieu ouvert. Autrement dit, l’agresseur devrait quitter Champ-Dollon pour Belle-Idée, où il restera tant qu’il ne sera pas guéri. «J’ai l’impression que justice n’a pas été rendue», réagit Jules.

La peine prononcée a pris en compte «la responsabilité très fortement diminuée» du prévenu en raison de son état mental. Ce dernier a été hospitalisé à six reprises. « Il est inquiétant que la psychiatrie n’ait pas réussi si ce n’est à la guérir, en tout cas à le contenir, laissant ainsi dans la nature une bombe à retardement», commente Me Assaël. «Je sais qu’il est malade, renchérit le plaignant. Mais il devrait se faire soigner en milieu fermé. Là, il sera dehors et pourra bientôt revenir se balader à la Jonction.» Et ce, alors que Jules avait porté plainte justement «pour qu’il ne soit plus en mesure de recommencer».

Me Assaël partage les craintes de son client: «Cette violence gratuite est angoissante. Il faut savoir qu’à Genève, vous pouvez vous promener tranquillement et prendre un coup de marteau violent sur la tête!»

Autre point litigieux: l’indemnité de 5000 francs décidée par le tribunal. «Le tort moral alloué est indécent, comme souvent à Genève. Il faut que cela change», estime Me Assaël qui a fait appel, mettant en avant «le traumatisme psychologique [de son client], qui mettra des années à s’estomper». Car, si après l’audience, la santé de Jules s’est améliorée, le jeune homme a vu sa vie basculer ce jour-là, au bord du Rhône. «J’ai toujours ce trou dans la tête. Je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir. J’aimerais reprendre ma formation de menuisier mais je ne sais pas si j’en suis capable», conclut-il, la gorge serrée.

* Nom connu de la rédaction