Dernier voyage d’un fils et de son père atteint d’Alzheimer

Le Genevois Serge Macia a pris son appareil photo pour immortaliser la mémoire défaillante et l’oubli. Il en ressort une exposition.

  • Ce voyage sur le paquebot «Queen Mary», c’est surtout «l’une des dernières chances de partage et de rapprochement» entre père et fils. SERGE MACIA, 2019

    Ce voyage sur le paquebot «Queen Mary», c’est surtout «l’une des dernières chances de partage et de rapprochement» entre père et fils. SERGE MACIA, 2019

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Que reste-t-il quand la mémoire s’efface? Qu’est-ce qui lie un père et son fils au-delà de la maladie? Pour répondre à ces questions, Serge Macia a embarqué aux côtés de son père atteint d’Alzheimer sur le paquebot Queen Mary. Un ultime voyage qu’il a immortalisé grâce à une série de photographies. Ses clichés donnent naissance à l’exposition Et vogue la mémoire, vernie jeudi 10 octobre, dans les locaux de l’association Alzheimer Genève.

Sur les photos défilent les phares de Cap Cod, en Nouvelle Angleterre (nord-est des Etats-Unis), suivis des plages de l’île de Martha’s Vineyard, hantées par les images sanguinolentes du film Les Dents de la mer, mais aussi les ponts déserts du paquebot. Ce voyage, c’est surtout «l’une des dernières chances de partage et de rapprochement» entre père et fils. Avant que la maladie ne gagne trop de terrain. Avant que les souvenirs se perdent à jamais dans les limbes.

«Je n’ai jamais eu un rapport très intime avec mon père», raconte Serge Macia, décrivant un être bourlingueur et caractériel, une sorte d’étranger. «Je me suis construit avec ce père plutôt absent et aujourd’hui, je dois m’occuper de lui. C’est un peu paradoxal», constate-t-il.

«Un nouveau lien se tisse»

Habité par ces blessures émotionnelles, le photographe veut profiter de cet ultime périple pour faire le point sur ces années compliquées. «Et puis, finalement, je n’ai pas ressenti le besoin d’en parler. Peu à peu, le fils n’était plus le fils. Ni le père, le père. Un nouveau lien s’est tissé, agréable en fait, analyse-t-il. Est-ce qu’un esprit qui oublie les tensions, le passé ne devient pas un esprit vierge de toute amertume, un esprit immaculé?»

Sur ses photos, la blancheur, celle du paquebot notamment, devient le symbole de la mémoire défaillante, de cet effacement progressif des souvenirs. Et du coup, le «fil d’Ariane» de l’exposition qui parle plus de l’oubli que de la maladie d’Alzheimer.

Un message aux politiciens

Pour Sophie Courvoisier, directrice générale de l’association Alzheimer Genève, qui a poussé Serge Macia à réaliser ce projet artistique, l’objectif est double: «C’est d’abord de faire comprendre que l’on peut partager de belles choses avec un malade. En étant simplement présent, en acceptant de le rejoindre là où il est plutôt que d’essayer de lui imposer les contraintes de notre société.» Un message fort à l’attention de l’entourage des malades.

Mais aussi une piqûre de rappel à l’attention des politiciens. «On est en pleine période électorale. Or, nombre d’enjeux qui entourent la prise en charge des malades d’Alzheimer se jouent à Berne», rappelle Sophie Courvoisier, invitant tous les candidats au vernissage.

L’exposition «Et vogue la mémoire» se tient du 10 octobre au 15 novembre, dans les locaux de l’association Alzheimer Genève, rue du Diorama 5.
www. alz-ge.ch