Harcèlement de rue: peu de dénonciations

SOCIéTé • Selon la police cantonale, 23 cas ont été signalés en 2019, un de plus qu’en 2018. Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité. Trop de victimes renonceraient encore à dénoncer les comportements inappropriés.

  • Le harcèlement de rue est absent du code pénal. 123RF/IAKOV FILIMONOV

    Le harcèlement de rue est absent du code pénal. 123RF/IAKOV FILIMONOV

A Genève, les effets du mouvement #MeToo tardent à se faire ressentir en matière de harcèlement de rue. En 2019, 23 cas ont été rapportés à la Police cantonale genevoise, un de plus qu’en 2018 et cinq de plus qu’en 2017. Une quasi-stagnation qui n’étonne pas Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé: «Ces chiffres semblent plutôt confirmer que trop de victimes renoncent encore à dénoncer les comportements inappropriés.» Une analyse nuancée par Sandrine Salerno, maire de la Ville de Genève: «Très peu de cas de viols sont dénoncés aux autorités, on peut imaginer que ceux de harcèlement dans l’espace public peinent encore davantage à remonter. Si elle se confirme, cette légère augmentation serait donc un signal plutôt positif.»

Vide juridique

Une des raisons de la faible hausse du nombre de dénonciations par les victimes s’explique sans doute par le fait que le harcèlement de rue est absent du code pénal. Un vide juridique qu’Albane Schlechten, cheffe du groupe socialiste en Ville de Genève, souhaite contourner: «On ne peut pas l’attaquer par la voie juridique, mais par de la prévention, des slogans et la présence de cette thématique dans les rues.»

De son côté, Clémence Gallopin et Juliette Radi, deux étudiantes ayant lancé le mouvement Sine Qua Non Squad revendiquant le droit de faire du sport dans l’espace public sans être harcelées, confirment: «Il faut sensibiliser encore et toujours pour que chacun se rende compte de l’impact qu’il ou elle peut avoir.»

Pas de profil type

Car contrairement à certaines idées reçues, les comportements inacceptables ne sont pas uniquement l’œuvre de la gent masculine comme le souligne Silvain Guillaume-Gentil, porte-parole de la Police cantonale genevoise: «Le harcèlement de rue est très majoritairement commis par des hommes, mais il y a malgré tout quelques cas de femmes signalées comme auteures de faits similaires.» Et d’ajouter: «Il n’y a pas de profil type, ni de nationalité ou d’origine qui ressort clairement de nos statistiques.» Céline Amaudruz, conseillère nationale UDC, propose une autre lecture: «Il s’agit volontiers d’adolescents ou de jeunes hommes à qui le respect n’a guère été enseigné, issus le plus souvent de milieux défavorisés. Les discours islamistes genre «femme sans voile femme sans honneur passant de main en main comme une pièce de deux francs» légitiment le harcèlement de rue en lui prêtant une caution religieuse.» Un avis que ne partage pas Hafid Ouardiri, directeur de la fondation de l’Entre-connaissance: «Le harcèlement de rue n’est pas propre à la religion, mais à certains individus détraqués.» Pour saisir l’ampleur du phénomène, une étude est actuellement menée par l’Université de Genève (Unige). Comme le confirme Sandrine Salerno: «Elle permettra de mieux comprendre comment les femmes vivent l’espace public au quotidien.» Et aussi de définir les quartiers où le harcèlement de rue est le plus répandu? «Poser la question en termes géographiques ne fait pas sens, répond la maire. Les nombreuses études menées en France et en Autriche montrent que ce phénomène est transversal et ne concerne aucune couche de la population en particulier. Contrairement à ce que certaines récupérations politiques pourraient laisser supposer.»