«Je dois me créer de la marge de manœuvre»

INTERVIEW • Pierre Maudet passe en revue quelques améliorations apportées dans le Département de la sécurité depuis sa prise de poste au mois de juin.

  • Pressé de faire ses preuves, Pierre Maudet ne ménage pas sa peine.

    Pressé de faire ses preuves, Pierre Maudet ne ménage pas sa peine.

Quatre mois après sa prise de pouvoir, le plus jeune conseiller d'Etat de l'histoire du canton continue à mener tambour battant ses réformes pour rétablir ordre et confiance au sein de la police genevoise. S'il ne ménage pas sa peine, il n'est pas sûr que ses troupes supportent les cadences imposées par ce politicien pressé de faire ses preuves.

- Pierre Maudet, avez-vous déchanté depuis votre élection triomphale du 17 juin?

- Non. Je savais que la tâche qui m'attendait au Département de la sécurité serait difficile entre le développement d'une vision à long terme de la politique criminelle et les améliorations immédiates de la vie quotidienne.

- Concrètement qu'est-ce qui a changé quatre mois après votre prise de fonction ?

- J'ai surtout rappelé à mes collaborateurs, parfois découragés et démotivés, qu'il est urgent de se remettre en question. Il faut commencer par faire mieux avec ce qui existe déjà. Dans les troupes, idées et propositions n'ont pas manqué.

– Quelles défaillances objectives avez-vous corrigé ?

– Un certain nombre. Tous les jours, deux gendarmes faisaient par exemple la tournée des douze postes du canton pour ramasser les objets trouvés. Cela représente 4320 heures et un coût de plus de 220'000 francs par année. Cette tâche administrative est depuis aujourd'hui confiée à l'Association Partage.

– D'autres exemples?

– Tous les véhicules faisaient le plein d'essence au garage de la police à la Jonction alors que certaines patrouilles venaient de la Pallanterie ou de Chêne-Bourg. Quel gaspillage d'énergie. Désormais, les voitures des postes excentrés se réapprovisionneront dans les stations du canton accomplissant au passage un travail de proximité indispensable. Autres invraisemblances, les gendarmes acheminaient durant leurs heures de service les documents à détruire au poste de Blandonnet simplement parce qu'ils ne disposaient pas d'un destructeur de papier à 200 francs. J'ajoute, qu'ils récoltent encore les cartes d'enregistrement des visiteurs dans certains hôtels. Ce n'est pas leur rôle. Je veux changer cela et remettre les policiers dans la rue.

– Mais est-ce vraiment le rôle d'un magistrat de s'occuper de ces questions plutôt d'ordre opérationnel, voire organisationnel ?

– Si le magistrat ne met pas les mains dans le cambouis, il ne peut pas savoir comment fonctionne la machine. Et avant d'avoir procédé à ces réglages, il m'est difficile de demander des effectifs supplémentaires. C'est un peu comme si je mettais du carburant dans un réservoir percé.

– Certains cadres vous reprochent une obsession du résultat. Autrement dit, d'aller trop vite en besogne, de presser vos hommes et de faire passer vos décisions en force…

– La situation dont j'ai hérité réclamait des prises de décisions urgentes, voire abruptes. Je l'admets. Mais quand je lis les rapports alarmants de la main courante, je ne me trouve pas encore assez impatient. Je sens les attentes d'une population déboussolée. Diriger le Département de la sécurité n'est pas un concours de popularité mais un exercice de bon sens. J'ajoute que tout le monde a le droit à l'erreur, moi y compris. Mais reproduire deux fois la même erreur, cela devient une faute...

Sécurité du Grand Genève

GiM • «La sécurité à Genève ne peut plus se mener à l'échelle cantonale. Aujourd'hui, elle doit se penser dans le cadre du Grand Genève, prévient Pierre Maudet, conseiller d'Etat en charge du Département de la sécurité. Autrement dit, elle cible un bassin de population qui n'est pas de près de 470'000 habitants mais d'environ 800'000.» Mais qu'avez-vous entrepris pour adapter les structures à cette nouvelle réalité démographique? «Nous avons notamment augmenté les effectifs de 35 postes de policiers et de 15 commis administratifs. Au niveau pénitentiaire, le Centre de détention administrative de Frambois va quasiment doubler sa capacité en passant de 26 à 50 places dès janvier 2013. Pour les années à venir, mon ambition est de renforcer les conditions actuelles de détention, le domaine pénitentiaire est aujourd'hui le maillon faible du système sécuritaire.»