La volonté de la Ville de Genève de débaptiser 16 rues cette année pour les féminiser continue de faire des vagues. A l’instar des habitants de la rue Jean-Violette, à Plainpalais, dont la pétition s’étoffe (GHI du 5.03.20), nombre d’autres résidents grognent. Dans ce contexte, le Mouvement citoyen genevois (MCG) a lancé sa propre pétition dimanche 8 mars au marché de Plainpalais.
Des élus timorés sur ces questions
«On ne peut pas bannir le passé sans même prendre le pouls des personnes concernées. Cette décision est exagérée, contre-productive et antidémocratique», assène Marie Vendrell. La candidate MCG aux municipales réside rue Jean-Violette. C’est elle qui est à l’origine du texte avec Daniel Sormanni. Intitulée «Pour en finir avec l’instrumentalisation politique genrée de l’espace public, laissons nos rues actuelles en paix», la pétition s’attaque au projet dans son ensemble tout en faisant référence à l’onéreuse et controversée «féminisation inclusive» des panneaux de circulation.
L’idée de rebaptiser dans les trois prochaines années au moins 100 rues du canton de noms de femmes découle d’une motion acceptée par le Grand Conseil en juin 2019. «C’était dans un contexte particulier, une semaine avant la grève des femmes, rappelle la candidate PLR aux élections Michèle Roullet. La motion M 2536-A avait été votée à une faible majorité: 46 oui [ndlr: sur 100 députés] pour 5 non et un astronomique 24 abstentions qui en dit long sur le malaise suscité par ce thème, chez les élus masculins notamment, lesquels craignent parfois d’être taxés de machisme s’ils font valoir d’autres points de vue sur ces questions.»
Michèle Roullet prévient que le projet sera attaqué en justice si le Conseil d’Etat venait à l’avaliser. «Les noms de rue sont un patrimoine reçu nous reliant à nos racines. Certains datent du XVIe siècle! Il est dangereux de réécrire l’histoire en voulant la faire coller à une vision déformée forcément fugace, car idéologique, du présent! Cela s’apparente à brûler des livres ou à effacer une personne gênante sur une photo historique», avance l’enseignante.
«Féminisme déconnecté»
Pour elle, comme pour Marie Vendrell, ce «féminisme déconnecté, absurde et déraciné» n’améliore en rien la condition de la femme. Il attiserait même les clivages, les communautarismes de tout poil et une guerre des sexes larvée. Les politiciennes sont aussi dubitatives quant à certaines des personnalités retenues pour renommer les rues. Elles rejoignent en cela cet habitant de la rue Jean-Violette père d’enfants en bas âge: «Honorer Grisédilis Réal en tant qu’écrivaine, c’est bien à condition de ne pas effacer un autre pour cela. Mais mentionner sur la plaque son activité de prostituée comme si c’était un modèle à suivre, non!»