A l’aéroport, les taxis s’attaquent aux minibus étrangers

Les chauffeurs de taxi dénoncent la présence de guichets mobiles loués par les compagnies de transport qui emmènent les touristes en stations. Pierre Bayenet, député suppléant, interpelle le Conseil d’Etat.

  • La vente de tickets n’est pas autorisée aux guichets mobiles des compagnies. Mais il suffit

    La vente de tickets n’est pas autorisée aux guichets mobiles des compagnies. Mais il suffit de se connecter sur son smartphone pour contourner l'interdiction. STÉPHANE CHOLLET

Ce sont de petites guérites qui ne paient pas de mine mais peuvent rapporter gros. Situées au niveau arrivées de l’aéroport, elles sont louées dès le 1er décembre pour la saison hivernale à des compagnies de transport en minibus. Les touristes qui atterrissent à Genève peuvent ainsi rejoindre les stations de ski de Haute-Savoie ou du Valais. A condition d’avoir réservé leur billet au préalable.

Sujets de frictions

But de ces guichets mobiles? Offrir à ces opérateurs «une visibilité et un confort», indique Genève Aéroport. De quoi titiller la curiosité de Pierre Bayenet. Dans une question urgente que le député suppléant d’Ensemble à Gauche vient de déposer au Grand Conseil, il interroge: «L’aéroport favorise-t-il la concurrence déloyale contre les taxis?» Et de se demander si «ces infrastructures ne permettent pas à ces entreprises d’exercer leur activité en violant le droit suisse».

Premier point litigieux: ces sociétés, qui ont leur siège à l’étranger, louent les guichets pour 7000 francs, du 1er décembre au 31 mai. Soit bien au-delà des nonante jours de détachement autorisés par l’accord sur la libre circulation des personnes.

Deuxième sujet de friction: le nombre de personnes transportées. Au-dessus de neuf, chauffeur inclus, c’est la loi fédérale qui s’applique. «Or, quand ils ont besoin de transporter plus de monde, ils font venir des véhicules plus gros», témoigne, photos à l’appui, Slim Kassous, membre du comité du Collectif des taxis genevois (CTG).

Maraudage électronique

Autre pierre d’achoppement: en vertu de la Loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC), ces compagnies ont interdiction de vendre des billets sur place. «Mais, qu’est-ce qui empêche un voyageur qui arrive sans réservation de prendre un billet à la dernière minute via son smartphone? poursuit le chauffeur. Il lui suffit de se connecter sur le site internet de la compagnie qui est indiqué en gros au-dessus du guichet.» Ce maraudage électronique est monnaie courante assure le collectif.

«Comment contrôler?»

«On n’est pas contre la concurrence mais, eux, ils détournent la loi», insiste Zaher Abdallah, président du CTG. Rappelant que les taxis paient 1400 francs par an pour bénéficier d’un «usage accru du domaine public» et 1,50 franc pour chaque accès à l’aéroport, Slim Kassous dénonce «un favoritisme pour ces sociétés étrangères au détriment des transporteurs suisses qui eux, paient ici leurs impôts et les taxes»! Zaher Abdallah renchérit: «On dénonce la situation chaotique à l’aéroport mais aussi le laxisme des autorités. Les entorses à la LTVTC et sans doute au droit du travail sont récurrentes. Et les contrôles manquent!»

Réagissant à la question de Pierre Bayenet, le conseiller d’Etat chargé du Département de l’emploi, de la sécurité et de la santé (DSES), Mauro Poggia, lâche d’emblée: «Il a raison. En théorie, ces guichets ne servent qu’à orienter les voyageurs qui ont réservé leurs courses à l’avance mais qu’en est-il dans la pratique? Et surtout comment contrôler que c’est bien le cas? La loi n’y répond pas...»

C’est ce flou que les chauffeurs de taxi aimeraient voir se dissiper avant que le phénomène ne s’amplifie. «Ces sociétés s’attaquent au marché de la gare, des hôtels et même des privés, sans oublier le cabotage», indique Slim Kassous.

Le collectif demande au Conseil d’Etat d’agir pour protéger leurs emplois mais aussi de lutter contre «les pratiques de ces sociétés qui mettent en danger les clients et nuisent à l’image de l’aéroport et de Genève».

La réponse de Genève Aéroport

Genève Aéroport précise d’emblée que «les sociétés qui louent ces guichets signent une convention dans laquelle elles s’engagent à ne pas vendre de titre de transport sur place». Par ailleurs, Genève Aéroport liste les attestations exigées dont la copie de l’extrait du registre du commerce. «Un contrôle approfondi de ces sociétés est réalisé avant toute location», souligne la cheffe du service communication, Madeleine Von Holzen. Concernant le maraudage électronique tout comme le nombre de personnes transportées et les conditions de travail des employés de ces sociétés, elle rappelle que «le contrôle n’est pas du champ de compétences de Genève Aéroport mais de la responsabilité des organes étatiques. On ne peut que soutenir le principe de contrôles fréquents et collaborer avec ses partenaires pour ce faire.»