«Nous avons établi une relation de confiance. Vito a mes coordonnées. Il sait que je suis prêt à l’aider, que ce soit aujourd’hui, demain ou dans dix ans.»
Filipe Oliveira
Vito, le SDF, est-il sorti de la rue?
Filipe Oliveira: Non, il n’en a pas envie. J’ai pris conscience qu’on pourrait l’aider mais que cela prendrait du temps et nécessiterait sans doute l’aide d’un psychologue pour qu’il revienne dans la société. Quand on décroche, se retrouver à la rue doit être un calvaire. Il s’y est habitué à présent: est-ce l’appréhension d’avoir à se réacclimater à la vie sociale, avec ses contraintes très fortes, ou la peur de rechuter, je ne sais pas.
Quand vous êtes-vous rendu compte du caractère viral de votre action?
F. O.: Trois jours après le début de l’opération, quand j’ai vu le nombre de messages reçus, c’était de la folie, cela m’a donné la chair de poule. J’en ai été submergé. J’ai d’ailleurs dit à ma femme que j’avais besoin de partir quelques jours au Portugal. En rentrant de Porto le dimanche soir, j’ai pensé que pour Vito cela ne devait pas être facile non plus. Quand je l’ai retrouvé, j’ai pu constater que son regard n’était pas le plus amical du monde. Alors, je me suis assis à côté de lui et nous avons discuté jusqu’à trois heures du matin...
Comment expliquer qu’il accepte votre aide, puis la refuse?
F. O.: Il dit tout d’abord très clairement que c’est une bonne idée, très belle, qu’il voit enfin le bout du tunnel. Quelques jours plus tard, il m’affirme en revanche n’avoir jamais voulu être aidé. Est-ce sous le coup de l’émotion, son caractère, la médiatisation qui, du jour au lendemain, a fait que des gens l’ont abordé pour lui donner une baguette de pain, par exemple? Mais, un SDF n’est pas un objet. Lui demander s’il est d’accord pour accepter quelque chose me semble une règle de base du savoir-vivre.
Son refus vous a-t-il affecté?
F. O.: J’ai eu un pincement au cœur par rapport à ça, c’est vrai, car quelqu’un de sensible ne peut pas rester indifférent. Comment une personne dans sa situation peut ne pas avoir besoin d’aide, ne pas vouloir être aidée? Pour moi, dans ma conception de l’être humain, c’est incompréhensible.
Qu’est-ce que vous en retenez, près de deux mois plus tard?
F. O.: C’est la plus belle chose que j’ai pu vivre en 2015! Car malgré l’époque que l’on est en train de vivre, il reste une force, une vraie générosité de la part de la population. Les gens veulent aider, mais pour cela, il leur manque un élément déclencheur. Ils veulent aider mais que l’argent aille vraiment à leur cause.
Et en quoi cette expérience vous a-t-elle changé?
F. O.: Cela m’a permis de vivre une expérience, qui ne m’a pas changé mais qui m’a appris des choses. Aujourd’hui, si je devais aider un SDF, j’aurais plus peur de mal m’y prendre. Je tâcherais de mieux connaître la personne (auprès des autorités) avant de l’approcher. Mais tout ce que je vous dis là, ce sont des idées réfléchies, avec Vito ce n’était pas cela, ça venait du cœur.