Le «Cé qu’é lainô» comme vous ne l’avez jamais entendu

Un ouvrage retrace l’histoire de l’hymne des Genevois. Inclus, un CD permet de découvrir la vraie prononciation. De quoi revoir en profondeur ses classiques!

  • Claude Barbier (à gauche) et Olivier Frutiger en connaissent un rayon sur le «Cé qu’é lainô». MP

    Claude Barbier (à gauche) et Olivier Frutiger en connaissent un rayon sur le «Cé qu’é lainô». MP

On l’entend dans les stades, à la patinoire, lors des cérémonies officielles et bien sûr à l’occasion des festivités de l’Escalade qui approchent à grands pas. Mais, savez-vous qu’en réalité, le Cé qu’é lainô n’est jamais chanté comme il faut? Par exemple, le dernier vers de la première strophe: «Qu’il eitivé Patron dei Genevoy» devrait se prononcer: «K’il étivé Patron dé Zhènewé». Avouez que vous ne l’avez jamais chanté ainsi. Et pourtant...

«C’est pour permettre aux Genevois de découvrir la version originelle de notre hymne que nous avons fait ce livre», résument en chœur l’historien Claude Barbier et Olivier Frutiger. D’où l’ouvrage qu’ils nous présentent en exclusivité. Au livre classique s’ajoute un CD, qui permet d’entendre la chanson en franco-provençal, le tout accompagné d’instruments d’époque, tels que la vielle et le tambourin. Le spécialiste du patois régional, c’est Olivier Frutiger. «Le patois genevois est une variante du patois savoyard», précise-t-il. A 17 ans, il se découvre une passion pour cet idiome régional. Chaque semaine, il rend visite à sa grand-mère avec cette sempiternelle question: «Comment se prononcent tel mot et tel autre?» L’apprentissage aux côtés de son aïeule va durer vingt ans. S’ajoute un travail de collecte sur tout ce qui touche de près ou de loin au franco-provençal.

Un hymne interdit au XVIIe

«Cette langue a très peu évolué au fil du temps. Le patois tel que je le parle est très semblable à celui du XVIIe siècle», poursuit-il. Pour tout savoir sur le Cé qu’é lainô, le livre débute par une piqûre de rappel. Cartes à l’appui, Claude Barbier décrit le contexte historique: de l’an mil jusqu’à l’Escalade en 1602.

Puis, le duo se penche sur le franco-provençal, de ses origines à son déclin. Avant de s’intéresser au chant lui-même. On y apprend que l’auteur est inconnu. Mais aussi que «durant tout le XVIIe siècle, comme l’explique Claude Barbier, les chansons de l’Escalade sont interdites, afin de consolider la paix entre Genève et le duché de Savoie». Signé en 1603, le traité de Saint-Julien prévoit que «tous perturbateurs du repos public seront punis et chastiéz (sic)». Qu’importe! On chante en famille, entre amis. «C’est un marqueur identitaire», insiste l’historien. Tout comme le patois. «On a besoin de ce socle commun, renchérit Olivier Frutiger. A l’époque, le franco-provençal soude les Genevois face aux périls extérieurs.»

Pour retrouver ces racines, le livre propose une transcription des 68 strophes dans la graphie de Conflans, une écriture phonétique. De quoi «permettre à tous les lecteurs de maîtriser la prononciation et les particularités linguistiques du franco-provençal genevois de l’époque», écrit dans la préface l’ancienne directrice du centre de dialectologie de l’Université de Neuchâtel (décédée en août), Federica Diémoz. Il ne reste donc plus qu’à s’entraîner!

«Cé Qu’é lainô», de la chanson sur l’Escalade à l’hymne des Genevois, Claude Barbier et Olivier Frutiger éd. La Salévienne.