Le Salon de l’auto mue pour sauver sa peau

GIMS 2020 • Face aux enjeux climatiques et à la forte menace du coronavirus, l’édition de cette année est sous pression. Explications.

  • Le directeur du Geneva International Motor Show, Olivier Rihs, devant le futur circuit  de 456 m. qui permettra aux visiteurs de tester les véhicules électriques ou au gaz naturel. MP

    Le directeur du Geneva International Motor Show, Olivier Rihs, devant le futur circuit de 456 m. qui permettra aux visiteurs de tester les véhicules électriques ou au gaz naturel. MP

A Palexpo, le montage des stands bat son plein. La 90e édition du Geneva International Motor Show (GIMS) se prépare. Un «salon de l’auto» qui, pour sauver sa peau, n’a d’autre choix que de faire sa mue. Son directeur, Olivier Rihs revient sur ce défi de taille et sur celui, plus ponctuel, de l’ombre du Coronavirus. Interview.

GHI: Bon alors, coronavirus oblige, on annule tout?
Olivier Rihs:
Sûrement pas! On annulerait qu’en cas de force majeur et seul l’Office fédéral de la santé publique est susceptible de le déclarer. Pour le moment, rien de tel. Je rappelle qu’il n’y a pas de restriction en Suisse, ni de cas avéré. On reste vigilant et si la situation devait vraiment se dégrader d’ici le 5 mars, et que l’OFS devait prendre la décision d’annuler, on s’y pliera.

– Vous allez laisser venir des exposants asiatiques?
Bien sûr! On ne peut pas faire de discrimination. Seulement leur conseiller de venir en pleine forme. Sur 150 exposants, nous en avons quatre  chinois et deux de Hong-Kong. On  encadre leur venue. Côté visiteurs, le GIMS enregistre moins de 1% de visiteurs hors Europe (y compris asiatiques).

– Comment expliquer, a contrario, l’annulation du Mobile World Congress à Barcelone?
La situation est complètement différente. 25% de leurs exposants viennent d’Asie. Avec les restrictions de vols, c’était forcément plus compliqué pour eux de maintenir l’événement.

– Craignez vous un impact sur la fréquentation?
Même si rationnellement il n’y a aucune raison, on n’est pas à l’abri. Les visiteurs doivent savoir que les mesures d’hygiène ont été renforcées. Tant pour les intervenants sur les stands que pour les restaurateurs du salon.

– Autre point noir de cette édition, les absents?
C’est vrai. 17 marques ne seront pas présentes Telles que Peugeot, Opel, Subaru, Lamborghini ou Ford. Elles représentent 25 % du volume des voitures neuves vendues en Suisse. C’est certain que voir du contenu disparaître, ce n’est jamais bon signe mais il y a toutes les autres qui seront présentes!

– Le salon n’a plus la cote?
Depuis plusieurs années, la digitalisation est passée par là. Avant, une marque  venait présenter toute la palette de ses produits. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin d’amener cette palette physiquement sur un salon. Tous les modèles et tous les coloris sont accessibles via smartphone ou ordinateur. Un salon doit offrir autre chose. Le but n’est plus de vendre uniquement la voiture mais le service qu’elle représente. Notre rôle ne se limite plus à la promotion du produit on doit organiser la mobilité du futur.

– Comment opérer un tel changement?
En s’adaptant aux nouveaux besoins. Le GIMS n’est rien d’autre qu’une vitrine de ce qui se fait aujourd’hui et se fera demain. On montre ce que les constructeurs proposent. Ainsi, cette année, la halle 7 sera entièrement dédiée à un circuit de 456 mètres de long. Là, le public pourra essayer des voitures à propulsion alternative: essentiellement électriques mais aussi à l’hydrogène et au gaz naturel.

– Pourquoi ces tests?
L’an passé, on s’est rendu compte que 95% des visiteurs n’avaient jamais testé ces véhicules. Et que pourtant, 75% des gens sont prêts à faire le pas pour un achat de voiture électrique. Ça tombe bien car l’objectif climatique est clairement défini. En Suisse, il s’agit d’atteindre 10% des voitures neuves en électrique. On était à 10 000 vendues l’an dernier. On doit passer à 30 000 l’an prochain.

– Cela fait des années que le salon de l’auto prétend avoir pris le virage écologique. Encore de beaux discours?
Ce ne sont pas que des paroles. Volkswagen investit 33 milliard ces cinq prochaines années pour changer son outil de production. L’objectif est d’être CO2 neutre dans toutes les phases du produit: de la construction à  la destruction du véhicule en passant par son utilisation. De plus, en Europe comme en Suisse, l’objectif est de descendre à 95 grammes  de CO2 par km pour chaque voiture vendue. Contre 138 g en 2019. Les pénalités seront de 100 francs par gramme supplémentaire et par véhicule! Des milliards de francs d’amendes sont en jeu. Ce ne sont plus juste des mots. C’est un changement en profondeur qui s’opère.

– Et qui semble annoncer la mort du salon de l’auto!
Loin de là. Le GIMS est le plus grand événement organisé en Suisse. Avec 500’000 à 600’000 visiteurs en dix jours, il est une grande chance pour la Suisse et pour Genève. Il génère entre 200 et 300 millions de francs de retombées directes et indirectes dans la région. Ce qui est vrai, c’est que le GIMS doit évoluer. Peut-être pour devenir le Geneva international mobility (et non plus motor) show.

– Mais, vous ne serez pas là pour voir ce changement puisque vous quittez la direction après seulement un an... C’est plutôt mauvais signe...
Cela n’a rien à voir. La décision n’a pas été facile à prendre car ce que je fais ici me passionne. Mais, une opportunité professionnelle m’a été offerte, j’ai décidé de monter dans le train...