«L’écriture inclusive doit être abolie»

Une élue PLR de la Ville de Genève veut interdire l’écriture inclusive dans les documents administratifs et au Conseil municipal. Les autorités calment le jeu. Explications.

  • L’écriture inclusive est utilisée par les administrations cantonales et municipales, notamment pour les offres d’emploi. DR

    L’écriture inclusive est utilisée par les administrations cantonales et municipales, notamment pour les offres d’emploi. DR

Cette «novlangue relève de l’arbitraire, est illisible, [...] rendant l’écriture et la lecture plus difficiles»

Michèle Roullet, conseillère municipale

«L’écriture inclusive est en réalité une écriture excluante. Son usage doit être interdit dans les documents administratifs communaux et au sein du Conseil municipal», réclame sans ambages la conseillère municipale Michèle Roullet. Joignant l’acte à la parole, l’élue PLR au conseil municipal de la Ville Genève a déposé une résolution, largement soutenue par la droite, en date du 10 mars.

Pour Michèle Roullet, cette «novlangue et son cortège d’ajouts relève de l’arbitraire, est illisible, participe d’une confusion entre genre grammatical et sexe biologique ou encore accentue les inégalités sociales en rendant l’écriture et la lecture plus difficiles. Cette manière d’écrire piétine aussi notre Constitution cantonale, laquelle précise que la langue officielle est le français et que l’Etat en assure l’enseignement et la défense», appuie-t-elle.

Pas de sanction

Ton moins polémique du côté de la Municipalité. «A ce stade, la Ville n’utilise pas le langage inclusif qui va plus loin en incluant les personnes non-binaires ou trans même si la chose est en réflexion», clarifie Anne Bonvin Bonfanti, chargée de communication au Département des finances, de l’environnement et du logement (DFEL). Qui poursuit: «L’usage du langage épicène est obligatoire à la Ville depuis une directive de 2013. Toutefois, sa mise en œuvre se fait de manière progressive, sans contrôle centralisé ou sanction, mais en encourageant le personnel à l’appliquer.»

«Promotion de l’égalité»

Une position soutenue par Alfonso Gomez, conseiller administratif en charge des Finances mais aussi des questions d’égalité: «Le langage épicène est reconnu comme un outil efficace de promotion de l’égalité, visant notamment à faire adopter de nouveaux réflexes. L’usage du masculin universel dans la langue française, lui-même fruit d’une évolution historique, reflète des rapports de pouvoir et contribue à reproduire des discriminations. La société est en constante évolution, et avec elle, le langage qui a toujours été politique.»

Pas de quoi convaincre Michèle Roullet. Consciente que la majorité du délibératif en Ville de Genève est à gauche et ne partage pas, en principe, sa position sur le langage inclusif, l’enseignante à également transmis sa résolution aux députés de son parti.

Débat cantonal

Une manière d’élargir le front et de lancer le débat à l’échelle cantonale. Cela tombe plutôt bien puisque le Grand Conseil empoignera cette question clivante prochainement dans le cadre notamment d’un projet de loi visant à «démasculiniser la législation genevoise».

L’Académie française est contre

Cette manière de revisiter la langue gagne du terrain dans l’espace public. Début mars, nos confrères du Courrier adoptaient l’écriture inclusive. Peu avant, dans le sillage des scandales sexistes en série, la RTS faisait de même. En février, en France, une proposition de loi sur l’écriture inclusive arrivait devant l’assemblée. Pourtant, en 2017, l’Académie française dirigée par Hélène Carrère d’Encausse, mettait en garde contre le «péril mortel» que tout cela ferait courir à notre langue. «Cette écriture aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression créant une confusion confinant à l’illisibilité», écrivait cette institution, la seule habilitée à fixer les canons du français. 
Cet avis est partagé par de nombreux linguistes. C’est dire que la question de l’écriture inclusive n’a pas fini de polariser le débat.