Les acteurs du loisir luttent pour leur survie

Les gérants de laser game, escape game, bowlings et autres structures dédiées à l’amusement des petits et grands sont aux abois. Rencontre.

  • Les cinq représentants du collectif Loisirs Genève (de g. à d. Gian Pinösch, Noémie Benhamou, Pierre-Yves Chomarat, Yan Favier et Marine Sinclair)  juste après leur rencontre, le 8 janvier,

    Les cinq représentants du collectif Loisirs Genève (de g. à d. Gian Pinösch, Noémie Benhamou, Pierre-Yves Chomarat, Yan Favier et Marine Sinclair) juste après leur rencontre, le 8 janvier, avec la conseillère d'Etat, Nathalie Fontanet. MP

Leur métier, c’est l’amusement, la gaieté, les rires d’enfants. Pourtant, ces derniers mois, les acteurs du loisir n’ont pas du tout le cœur à la fête. La raison: les mesures anti-covid sont en train de tuer leur gagne-pain. «A la fin février, on en sera à huit mois de fermeture sur un an, qui plus est les mois de forte activité, tel que novembre, résume Pierre-Yves Chomarat, gérant de Laser Game Genève. Huit mois avec un chiffres d’affaires de zéro. Sans indemnités spécifiques.»

Marine Sinclair, la fondatrice d’Exploracentre, qui a dû, lors de la première vague au printemps, licencier ses dix employés et quitter son local, rue des Bains, désespère: «Notre secteur fait partie des grands oubliés des autorités.»

Un collectif de 25 membres

Tous deux font partie des 25 membres du collectif Loisirs Genève, créé début décembre. Si tous ne sont pas dans la même situation – certains comme Yatouland étant à deux doigts de la faillite (lire encadré) – ils se sont réunis pour «parler d’une seule voix». Résultat: un mois après sa création, ledit collectif, qui représente 700’000 visiteurs par an et 200 employés, a été reçu vendredi 8 janvier par la conseillère d’Etat chargée du Développement économique, Nathalie Fontanet. A l’issue de cette rencontre, les cinq représentants présents ont une lueur d’espoir. Celle-ci prend la forme d’un projet de loi, dont la magistrate leur a présenté les contours (lire ci-dessous).

Contents d’avoir été écoutés et même entendus, les acteurs du loisir n’en demeurent pas moins inquiets. «Aujourd’hui, on essaie de survivre», lâche Marine Sinclair. «Depuis des mois, c’est l’ascenseur émotionnel. On oscille entre l’espoir et la douche froide. On peine par exemple à comprendre pourquoi les enfants peuvent retourner à l’école et pas chez nous», confirme Yan Favier, gérant de Yatouland.

«L’œuvre d’une vie»

«On n’est pas en train de dire que l’on veut rouvrir à tout prix, poursuit Gian Pinösch, co-fondateur et directeur de Trip Trap SA. Mais, si on nous oblige à fermer, il faut nous indemniser. Pour la plupart d’entre nous, nos sociétés, c’est l’œuvre d’une vie.» Les membres du collectif précisent aussi que la reprise sera lente, «avec une forte inertie au départ liée aux réservations.»

Tous s’inquiètent par ailleurs pour leurs prestataires externes (boulangers pâtissiers, artistes, maquilleurs, etc.) et pour leurs employés. «Nos entreprises emploient et forment des jeunes, des étudiants pour qu’ils puissent payer leur loyer», rappelle Marine Sinclair. «Et là, depuis des mois, on n’embauche plus», poursuit Noémie Benhamou, fondatrice et directrice du Bubble Kids Club.

Aux yeux du collectif, il en va aussi de l’attractivité du canton. Comme le rappelle Gian Pinösch: «On vend de l’émotion, de la passion, du plaisir. Si demain, nous ne sommes plus là et qu’il n’y a plus que des cabinets d’avocats et de médecins, à quoi ressemblera Genève?»

Des aides fédérales et cantonales dès le 1er janvier 2021

Après sa rencontre le 8 janvier avec le collectif Loisirs Genève, Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat chargée temporairement du Développement économique, réagit: «Malheureusement, c’est un secteur qui, comme d’autres, tels les fitness, est passé entre les mailles du filet.» Hormis les RHT (réduction de l’horaire de travail), les APG (allocation pour pertes de gain) et les aides au paiement des loyers commerciaux (uniquement en cas d’accord du bailleur), cette branche ne bénéficie d’aucune indemnisation. Et ce, malgré les fermetures obligatoires. Pour y remédier, un projet de loi général est en cours d’élaboration. «Mes équipes y travaillent d’arrache-pied depuis le 4 janvier», indique la conseillère d’Etat. Le projet de loi distingue différentes situations: «D’une part celles susceptibles d’entrer dans la catégorie des cas de rigueur, avec une volonté d’assouplir les conditions d’éligibilité. Le critère principal étant celui d’une baisse de plus de 40% du chiffre d’affaires sur le long terme.»

«Ce secteur doit être aidé»

Si le secteur des loisirs n’a pas été considéré pour faire partie de ces cas de rigueur dans un premier temps, l’objectif est de l’intégrer et de lui permettre ainsi de bénéficier d’aide provenant en partie de Berne (deux tiers contre un tiers financé par le Canton). Une façon de se décharger sur la Confédération? «Pas du tout! insiste Nathalie Fontanet. Il s’agit de profiter de la participation financière fédérale à l’aide versée par le Canton. Les entreprises du loisir sont essentielles pour le tourisme, pour les affaires et pour nos enfants. C’est aussi un secteur que l’on doit aider.»

Pour compléter, le projet de loi général prévoit également des aides financières cantonales. «On pense aux sociétés qui ont débuté leur activité récemment et ne peuvent s’appuyer sur un chiffre d’affaires précédent; à celles qui n’ont pas fermé mais ont vu leur activité chuter ou à ceux qui ont été touchés de manière indirecte, tels que les grossistes», détaille-t-elle. Le projet de loi devrait être présenté au Conseil d’Etat mercredi 13 ou 20 janvier afin d’être adopté lors de la plénière du Grand Conseil du 28 et 29 janvier. Et de pouvoir s’appliquer au 1er janvier 2021. Sans rétroactivité sur 2020.