Les aigles chasseurs de drones cloués au sol

SECURITE • La police genevoise a sollicité Berne pour valider son projet, une première en Suisse. Mais l’autorisation se fait attendre. Explications.

  • Deux rapaces, Taïga et Altaïr,

    Deux rapaces, Taïga et Altaïr,

Au mois de décembre dernier, l’aéroport de Gatwick, à Londres, a été bloqué durant trente-six heures à cause de deux mystérieux drones. Une telle situation pourrait-elle survenir à Genève? Possible. Et c’est la raison pour laquelle la police genevoise a décidé, il y a deux ans déjà, d’utiliser des aigles pour intercepter ces drôles d’objets volants dans les zones interdites. Deux rapaces venant d’Allemagne devaient être opérationnels l’an dernier. Mais c’était sans compter les allers et retours de courriers entre Genève et Berne. Taïga et Altaïr, les deux rapaces de la future brigade ailée, ne peuvent pas «travailler» pour le moment. Ils ne sont d’ailleurs pas frère et sœur pour une éventuelle procréation future.

Opérationnels

Pionnière en Suisse dans cette expérience, Genève a peut-être été un peu vite en besogne en annonçant la création de cette brigade l’an dernier. En février 2018, en effet, Pierre Maudet, encore à la tête du Département de la sécurité, expliquait avoir acquis deux œufs en 2016, depuis lors éclos. Le magistrat ajoutait que l’entraînement, avec des professionnels, avait déjà débuté. Altaïr et Taïga ont appris à se «fixer» sur le plastique plutôt que sur des proies vivantes, sans pour autant perdre leur instinct de chasse.

Quasi secret défense

A ce jour, les deux oiseaux seraient, selon nos informations, tout à fait opérationnels. Seulement voilà. La demande de la police genevoise a suscité de nombreuses questions de la part de l’Office fédéral de la santé alimentaire et des affaires vétérinaires, lequel dépend du Département de l’intérieur. Et, en l’état, l’office n’a pas accordé d’autorisation de vol mais a demandé des compléments d’information. A quel sujet? Les réponses relèvent pour ainsi dire du secret défense. Ou presque. On apprendra, tout de même, que Berne veut en savoir davantage sur les conséquences, sur les serres des rapaces, lorsque ceux-ci agrippent un drone. Autre interrogation: quels sont les risques de voir un aigle laisser tomber un drone sur un rassemblement?

Porte-parole du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES), Laurent Paoliello, relève qu’en Suisse, «on est très attentifs à la santé et à la dignité des animaux. La difficulté, si l’on peut parler de difficulté, c’est que la chasse aux drones par des aigles représente quelque chose de totalement nouveau à Genève, et que de fait, il n’y a pas de prérequis. Il s’agira donc de se livrer à une pesée d’intérêts.»

Les réponses genevoises aux questions de Berne vont être envoyées tout prochainement. Si celles-ci conviennent, le dossier reviendra ensuite à Genève où le vétérinaire cantonal donnera son préavis. La décision finale appartiendra au conseiller d’Etat Mauro Poggia, en charge du DSES. «Monsieur Poggia a confirmé son intérêt. Tout le monde est sur la même longueur d’ondes», assure Laurent Paoliello. Il n’y a donc plus qu’à attendre pour l’envol certifié conforme de Taïga et Altaïr.