«Nous risquons d’être expulsés manu militari!»

Une famille de forains a reçu un ultimatum de l’Etat. Si son habitation à Versoix n’est pas mise en conformité d’ici au 31 octobre, elle pourra être évacuée par la force. Un député porte l’affaire devant le parlement. Explications.

  • Les forains devant le chalet des époux Walder sur le site de la Bécassière, à Versoix. Au milieu, le député Christo Ivanov. STéPHANE CHOLLET

    Les forains devant le chalet des époux Walder sur le site de la Bécassière, à Versoix. Au milieu, le député Christo Ivanov. STÉPHANE CHOLLET

«Nous avons jusqu’au 31 octobre pour évacuer notre logement à la Bécassière (à Versoix). Après, nous risquons d’être expulsés manu militari», se désespère Christian Walder. «Nous sommes épuisés par ces menaces à répétition. Cela devient très dur à vivre pour moi, ma femme et nos quatre filles», lâche le forain à bout de nerfs.

Rupture de confiance

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’envoi début octobre d’une lettre en forme d’ultimatum du Conseil d’Etat exigeant «l’enlèvement complet du chalet de la famille Walder et son remplacement par une installation mobile aux normes d’ici au 31 octobre 2019. Délai non prolongeable», précise en gras la missive dont GHI s’est procuré une copie.

Passé ce délai, une expulsion avec intervention de la force publique est clairement évoquée par les autorités. Pour mémoire, une tentative avait déjà eu lieu en juillet 2018. Sur le site de Versoix, la communauté des forains et des gens du voyage avait fait bloc contre les forces de l’ordre et l’expulsion de la famille Walder avait été finalement suspendue.

Ce sursis prendra fin le 31 octobre! «Tout ça alors que l’hiver arrive. C’est du pur mépris. D’autant que ça fait deux mois que nous sommes en pourparlers avec le Département des infrastructures, explique Christian Walder. Pour l’Etat, nous ne respectons pas le règlement actuel notamment concernant la hauteur du chalet. Nous avons donc proposé de supprimer l’étage, et cela même en sachant que ce règlement est contesté depuis le début par l’ensemble des habitants du site. Pour financer les travaux, nous avons vendu des manèges, notre outil de travail. Nous envisageons aussi l’achat d’un mobile home pour reloger nos filles. Et voilà que du jour au lendemain, en violation crasse du principe de confiance, l’Etat nous signifie que tout cela ne sert à rien. Pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt?» s’interroge la famille Walder.

Passage en force

La volonté des autorités de passer en force est d’autant plus incompréhensible pour les Walder que d’autres constructions ne répondraient pas aux normes. «Notre combat dépasse notre famille, il concerne tous les habitants de l’aire de séjour, expliquent les époux. Une lettre ouverte, signée par les représentants de la Bécassière, a d’ailleurs été envoyée aux autorités genevoises et fédérales. Elle a pour but de dénoncer un problème de fond quant aux conditions de logement et aux droits de notre communauté pour lesquels nous sommes fermement décidés à nous battre jusqu’au bout».

No comment des autorités

Contactés, les services de l’Etat bottent en touche pour le moment. «A ce stade, nous ne faisons aucun commentaire à ce sujet», s’est borné à répondre le Département des infrastructures.

«Cette affaire est une honte absolue»

Dans leur combat, les habitants du site de la Bécassière, à Versoix, ont reçu le soutien déterminé du député Christo Ivanov, très remonté contre l’attitude de l’Etat. «Cette affaire est une honte absolue, s’emporte l’élu UDC. Les gens du voyage et les forains sont maltraités, ballottés d’un site à l’autre depuis près de cinquante ans. Il faut mettre un terme définitif à cette stigmatisation contre des familles genevoises. On parle d’une population d’environ 100 familles avec de nombreux enfants scolarisés.»

Pour résoudre une fois pour toutes le problème, Christo Ivanov a déposé, courant octobre, une motion au secrétariat du Grand Conseil et une question urgente écrite. But de la manœuvre? «Faire en sorte que l’Etat octroie enfin un droit de superficie aux forains et aux gens du voyage sur les parcelles de la Bécassière», explique l’élu. Avant de conclure: «Ces communautés sont en droit de bénéficier de conditions de vie dignes, d’une plus grande sécurité juridique. Et de pouvoir envisager leur avenir avec confiance et dans la sérénité.» Autant dire que les prochaines sessions du Grand Conseil vont être animées sur cette question.