Pascal Crittin: «La RTS ce n’est pas que le Téléjournal»

Le directeur de la RTS défend le projet qui prévoit la construction d’un bâtiment près de Lausanne et le transfert de l’actualité sur place.

  • Pascal Crittin: «On ne déserte pas Genève. On ne vend pas la tour.» LAURENT BLEUZE/RTS

    Pascal Crittin: «On ne déserte pas Genève. On ne vend pas la tour.» LAURENT BLEUZE/RTS

Fini la tour? Bye bye le Téléjournal! Adieu l’actualité! La menace d’un départ de la Radio Télévision Suisse (RTS) loin de Genève plane. En cause: le projet Campus. Sur le site de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), à Ecublens (VD), l’entreprise de service public prévoit la création d’un bâtiment flambant neuf. Malgré les critiques et les inquiétudes des équipes, Pascal Crittin, directeur de la RTS, défend le projet bec et ongles.

GHI: Faire des économies en construisant un nouveau bâtiment à plus de 100 millions à Ecublens, vous êtes sûr de vos calculs?

Pascal Crittin: Oui. Nous souhaitons un bâtiment plus efficient et qui répond à nos besoins. Nos futurs studios occuperont moins de place et moins de volume. Ensuite, dans nos bureaux, on va s’organiser autrement et économiser de 30% à 40% de surface. Et le bâtiment neuf, qui devrait coûter autour de 110 millions de francs, sera moins énergivore. De quoi globalement diminuer les charges de 30%. Soit plusieurs millions d’économies par an.

– Vous n’avez pas un chiffre plus précis ?

– Le projet n’est pas encore finalisé. Les économies précises que nous pourrons réaliser sont encore à l’étude.

– Mais, au détriment de la qualité de la couverture de l’actualité genevoise?

– Absolument pas. Ce qu’on envisage, ce serait de réunir à Lausanne les rédactions centrales de l’actualité: la Matinale et Forum en radio et le Téléjournal. Mais, on ne déserterait pas Genève. On va même renforcer la rédaction genevoise. En y ajoutant la Genève internationale. Et, on garderait ici le sport, les magazines télé et la production de séries. La RTS, ce n’est pas que le Téléjournal!

– Genève perdra forcément des emplois et des compétences...

– Dans cette vision, nous aurions l’équilibre entre les deux sites: 950 personnes resteraient à Genève contre 1200 aujourd’hui; et 850 à Lausanne contre 600 actuellement.

– Pourquoi ne pas tout regrouper à Genève?

– On s’est posé la question. Mais, tant que nous avons les moyens pour cela, nous défendons l’idée d’une RTS sur deux sites. Encore une fois, on ne déserte pas Genève. On ne vend pas la tour. Genève fait partie de l’histoire de la RTS. On se battra pour le maintien des deux sites et pour refléter la diversité romande. La deuxième raison: une implantation uniquement à Genève susciterait un énorme débat en Suisse romande.

– Ce projet est encore très flou...

– Pour nous, il est très clair. Il s’inscrit dans une vision et répond à une évolution fondamentale du métier. Celle de la convergence des médias. Il y a de moins en moins de frontière entre la radio et la télévision. L’ancien modèle, mis en place en 1959, ne fonctionne plus. Nous devons nous organiser par domaines thématiques et non plus par vecteurs, avec la télévision d’un côté et la radio de l’autre. Et ce, pour être en phase avec les modes de consommation du public. Si on figeait le modèle, on deviendrait un joli musée de l’audiovisuel. Par contre, ce qui est vrai aussi, c’est que le projet n’est pas ficelé. Le conseil d’administration ne s’est pas prononcé et aucune décision n’est encore prise.

«Le canton reste sur ses gardes»

Un groupe de travail réunissant la RTS et le Conseil d’Etat genevois s’est réuni plusieurs fois depuis ce printemps. Le président Antonio Hodgers demeure dubitatif: «On peine toujours à comprendre où est l’économie.» Des interrogations que partage le comité citoyen «Touche pas à ma tour», mobilisé dès début mai. Sa pétition a réuni 1600 signatures. Parmi les membres du comité, la PDC Béatrice Hirsch, adjointe au maire de Troinex, et le conseiller national PS Carlo Sommaruga, initiateur de la démarche déplorent l’absence de chiffres tangibles et d’engagements écrits de la part de la RTS. «On ne nous a pas fait la démonstration qu’il est nécessaire d’arracher la télévision à Genève pour l’implanter, à Ecublens, dans le canton de Vaud», lâche le duo. Et de s’inquiéter de l’impact pour l’emploi, mais aussi pour la formation, de la perte de «l’équipe de première ligue» que constitue le Téléjournal. Reste que, comme le précise Antonio Hodgers, «formellement, la RTS est une société indépendante. Le Canton peut dialoguer, voire rouspéter mais il n’a pas le pouvoir de bloquer».