Quand l'hôpital se fout de l'handicapé

SERVICES PUBLICS • Des patients paraplégiques et tétraplégiques s'insurgent contre le manque d'infrastructure dans les hôpitaux publics.

  • Jacques Romanens aimerait pouvoir accéder plus facilement aux lieux publics avec son fauteuil roulant.

    Jacques Romanens aimerait pouvoir accéder plus facilement aux lieux publics avec son fauteuil roulant.

«Il m'est souvent arrivé de ne pas pouvoir accéder à la salle de bain lors de séjours dans divers services des Hôpitaux universitaires genevois (HUG)», confie Jacques Romanens, paraplégique en raison d'une maladie dégénérative. Même son de cloche chez les patients du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), encore plus véhéments qu'à Genève: «Ils n'ont ni bain, ni matériel adapté, ni compétences spécialisées», s'indigne Catherine Dalle, mère d'un jeune homme tétraplégique. Et cette habituée des établissements médicaux de préciser: «La grande majorité des services des hôpitaux publics ne dispose pas du matériel nécessaire pour soigner des handicapés moteur. Pourtant, il s'agit de patients aux multiples soucis de santé, qui ont besoin de consulter tous les services médicaux confondus.»

Réalité reconnue

Conscients d'un manque de matériel nécessaire aux handicapés, les représentants des hôpitaux s'expliquent. «Pour le moment, seuls les services de neurochirurgie et de neuroréhabilitation possèdent le dispositif nécessaire, reconnaît Darcy Christen, porte-parole du CHUV. Les autres n'ont pas la vocation de traiter des personnes tétraplégiques ou paraplégiques, qui ne représentent qu'une poignée de patients chaque année.» Une réalité qui est en évolution au CHUV: «J'ai chargé mon service des constructions de me soumettre des propositions d'aménagement qui remplissent les conditions de prise en charge nécessaires à ces patients», assure Pierre-François Leyvraz, directeur général de l'établissement, dans un courriel adressé à Mme Dalle.

Romands à Lucerne

Aux HUG, le professeur Pierre Hofmeyer, responsable du Service orthopédique, se remémore une époque où Genève soignait mieux ses handicapés: «Dans les années 1990, nous avions un centre de paraplégie, mais ce service a été centralisé dans le bâtiment de Nottwil, à Lucerne, raconte-t-il. En cas d'urgence, nous avons le matériel nécessaire aux HUG, même si les aménagements spécialisés manquent...» Une réalité confirmée par l'Association suisse des paraplégiques: «De nombreux Romands viennent se faire soigner à Nottwil, souligne le docteur Hans Peter Gmünder, directeur du Centre suisse des paraplégiques (CSP) à Lucerne. Ici, toutes les installations ont été alignées aux besoins des patients handicapés.» Et Catherine Dalle de souligner: «La plupart des personnes handicapées n'ont pas les moyens d'être admises dans les cliniques privées, faute de moyens, ou encore parce que les assurances émettent des réserves dans leurs prestations à cause, justement, de leur handicap.»

L'handicap en chiffres

SZ • A Genève, parmi les quelque 470'512 personnes qui habitent le canton, il y a...• 2470 personnes handicapées• 986 individus souffrant d'un handicap mental• 650 personnes ayant un problème psychique• 420 handicapés moteur• 235 personnes souffrant de plusieurs handicaps simultanés• 24 personnes totalement dépendantes• 157'676'278 francs investis par les pouvoirs publics en 2012 pour subventionner les personnes handicapées• 15 établissements pour personnes handicapées• 19 associations et fondations de soutien aux individus handicapés