Restaurateurs dans le rouge

Les patrons jugent les indemnisations insuffisantes. A Genève, l’aide de l’Etat suite à la fermeture du mois novembre se chiffre à 7 millions de francs, destinés à 1660 établissements.

  • Derrière la fermeture des établissements, le désespoir des tenanciers et du personnel. MP

    Derrière la fermeture des établissements, le désespoir des tenanciers et du personnel. MP

La colère a cédé la place au désarroi. Pourtant habitué à pousser des coups de gueule, Laurent Terlinchamp, le tonitruant président de la Société des cafetiers, est désemparé: «Je ne sais plus quoi faire pour aider mes membres», lâche-t-il. La dernière conférence de presse du Conseil fédéral mercredi 13 janvier l’a laissé pantois. «A mes yeux, ce qu’ils font est inhumain! Ils prennent des mesures sanitaires. Qu’elles nous plaisent ou non, on doit les suivre. Mais, ils ne peuvent pas nous fermer jusqu’à fin février et nous abandonner! On ne peut pas sauver une partie de la population et laisser crever l’autre!» poursuit-il, retrouvant un peu de sa verve pour fustiger «le manque de courage fédéral et l’absence d’accompagnement».

Dramatique casse-tête

Même constat désabusé d’Anthony Castrilli, président du Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers (GPRH). Ce lundi 18 janvier, première journée de durcissement des mesures, il supervise la mise en place de la vente à emporter dans son restaurant le Cinecittà. Même si, avec la généralisation du télétravail, les bureaux alentour sont vides et que la fermeture des magasins n’incite plus les gens à sortir de chez eux. «Il faut bien tenter un truc», soupire Anthony Castrilli. Son objectif: garder le contact avec la clientèle. Son espoir: dégager un mini-bénéfice pour couvrir les charges fixes du restaurant.

Car tel est le casse-tête auquel ils se retrouvent tous confrontés: comment payer les factures, le loyer (dont seuls ceux qui ont trouvé un accord avec leur bailleur sont exemptés), les salaires sans engranger le moindre chiffre d’affaires? «Le Conseil fédéral nous annonce que nous sommes désormais cas de rigueur [ndlr: grâce au critère des quarante jours de fermeture] mais, l’enveloppe reste la même! C’est dégueulasse», s’emporte le président du GPRH.

RHT de novembre touchées mi-janvier

Et quand l’enveloppe est là, les aides tardent à arriver dans les caisses. «La plupart des restaurateurs ont touché les RHT [réduction de l’horaire de travail] de novembre seulement à la mi-janvier. Au bout d’un moment, on ne va plus pouvoir payer les salaires de nos employés», poursuit Anthony Castrilli. Sans compter les congés payés. «Durant les six mois de fermeture, nos employés ont cumulé deux semaines et demie de vacances. Selon moi, c’est à l’Etat de les financer.»

Restent les aides cantonales. Depuis le 1er novembre, les cafés, bars et restaurants peuvent prétendre à une indemnisation forfaitaire de 50 francs par mètre carré de surface utile (destinée au service de la clientèle). Pour le mois de novembre, sur les 2437 établissements genevois, 1660 ont reçu une réponse positive à leur demande. «Soit 7 millions de francs d’aide en tout pour novembre, précise Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat chargée des Finances et de l’Economie. Pour le mois de décembre, les calculs sont en cours.»

Et, à partir du 1er janvier, de nouvelles règles d’indemnisations devraient entrer en vigueur. Un projet de loi général est en préparation (GHI du 14.01.2021). Il devrait être soumis au Conseil d’Etat par Nathalie Fontanet mercredi 20 janvier pour faire l’objet d’un vote du Grand Conseil lors de la plénière du 28 et 29 janvier.

Aux urgences

Pas de quoi rassurer totalement les deux présidents des organisations faîtières, très inquiets pour le moral des troupes. «Plusieurs restaurateurs se retrouvent aux urgences pour des problèmes de stress», indique Anthony Castrilli.

Selon l’enquête de GastroSuisse publiée le 10 janvier, la moitié des restaurants sont menacés de faillite. Confirmant l’ordre de grandeur pour Genève, Laurent Terlinchamp conclut: «Derrière ces chiffres, il y a des gens qui sont en train de tout perdre.»