C’est un projet genevois comme il est parisien, new-yorkais, tokyoïte… Selon Jean-Edouard Buchter qui le dissèque dans Reverdir le Sahara, publié récemment, il résoudra en bonne partie les problèmes écologiques, climatiques, alimentaires et de migration de masse auxquels l’humanité est confrontée. Cet ingénieur EPFZ fribourgeois de 76 ans propose justement de «reverdir le Sahara». Il était de passage à Genève, vendredi 1er novembre. L’occasion de l’interviewer.
GHI: Vous écrivez «le Sahara fut vert et peut le redevenir». Rafraîchissez-nous la mémoire… Jean-Edouard Buchter: Voici cinq mille ans, ce désert était couvert de végétation. Des hommes et des animaux y vivaient nombreux. Des peintures rupestres en témoignent. La zone s’est asséchée suite à un refroidissement moins rapide que le réchauffement que nous vivons. L’homme a accéléré le processus en déforestant et en surpâturant. Des guerres et des exodes s’en sont suivis. C’est la première fois que l’être humain a tant contribué à détruire son écosystème…
– Vous avancez que les terres européennes sont aussi en cours de désertification. Pourquoi? Nos sols ont gravement été appauvris par l’agriculture intensive. L’agro-chimie et la mécanisation leur ont fait beaucoup de mal. On ne s’en rend pas encore compte car ils restent sous perfusion de cette chimie stérilisante.
– La solution miracle serait donc de reverdir le Sahara. Pourquoi? Ce succès essaimera. C’est le plus grand désert du monde. Sa superficie est supérieure à 30’000 fois celle du canton de Genève. Il est bordé de possibilités d’adduction d’eau, comme le fleuve Niger, et la terre y est fertilisable dans de très vastes zones. Le reverdir permettra de produire de la nourriture saine en quantité, de fédérer les populations locales autour de projets agro-écologiques, de susciter un exode rural inversé, de faire reculer la pauvreté, et d’offrir des terres d’accueil aux migrants. Le tout en ayant un fort effet sur le changement climatique puisque la végétation «digère» le CO2.
– Comment reverdir le Sahara concrètement? L’une des solutions est d’utiliser le tracteur-charrue «dauphin». Il permet de creuser à la chaîne dans le sol des cuvettes qui retiendront l’eau à la saison des pluies et dans lesquelles les paysans locaux, correctement formés, feront des semis... puis des émules. Cette technique a permis de reverdir 5700 ha en cinq ans au Burkina Faso!
– Quand ce miracle vert deviendra-t-il réalité? J’espère en voir le début et ce même si cela exigera un «effort de guerre» de 600 milliards de dollars (591 milliards de francs) par an... C’est beaucoup mais la situation ne nous laissera pas le choix. Et puis le reverdissement peut aller vite. L’humus, qui est avec l’eau le nerf de cette guerre, se propage de manière exponentielle. C’est de l’Afrique, détentrice de graines de sagesse trop souvent oubliées en Occident, que germera notre salut!
«Reverdir le Sahara», Jean-Edouard Buchter, Ed. Favre. www.editionsfavre.com