«Terrorisme administratif...»

JUSTICE • Le directeur d’une boutique rue de Chantepoulet risquait 60’000 francs d’amende pour des autocollants publicitaires sur sa vitrine. Il vient de gagner au tribunal.

  • Laurent Leisi, devant son commmerce, a dépensé 10’000 francs dans cette affaire. FRANCIS HALLER

    Laurent Leisi, devant son commmerce, a dépensé 10’000 francs dans cette affaire. FRANCIS HALLER

L’enseigne du «Régent», un commerce d’achat et de vente d’or et de bijoux, est installé depuis 1962 au numéro 2 rue de Chantepoulet, au rez-de-chaussée d’un immeuble sans cachet mais considéré comme «bâtiment maintenu» par un règlement du Conseil d’Etat. Laurent Leisi, directeur, gemmologue, conseiller municipal MCG à Genève, vient de gagner son procès contre le Service de l’espace public (Département de l’environnement urbain et de la sécurité) après plus de deux ans de combat.

Enseigne en question

A l’origine du conflit? La nécessité, pour Laurent Leisi, de rendre plus visible son enseigne, alors qu’une multinationale exerçant la même activité que lui, s’est installée à côté de sa boutique. En 2015, le Genevois fait appel à un designer pour lui concevoir sa pub. Des autocollants sont apposés sur la devanture. Mais il omet de demander l’autorisation nécessaire. Résultat? Un courrier du Service de l’espace public, en 2016, afin qu’il retourne un formulaire complété et signé, précisant qu’en cas de non-respect de la loi sur les procédés de réclame, il risque une contravention entre 100 et 60’000 francs du fait d’autocollants obstruant la vitrine.

Transport sur place du tribunal

L’avis de la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) est sollicité. Préavis défavorable. Le Service de l’espace public ordonne de retirer les autocollants litigieux. Laurent Leisi saisit la justice. Il perd son premier recours mais pas la guerre. Il dépose une nouvelle demande, modifie une partie des apposés publicitaires. S’ensuit un «combat juridique infernal». «C’est du terrorisme administratif et rien d’autre, il y a eu acharnement», affirme le commerçant à qui, le mois dernier, le tribunal de première instance a donné raison, après que les juges, greffier, représentants des services de la Ville et avocats aient effectué un «transport sur place», à l’automne 2017.

Dans son jugement, le tribunal a considéré que la Ville n’avait tout simplement pas tenu compte du nouveau préavis, favorable celui-ci, de la Commission des monuments, de la nature et des sites. Membre de la Commission, Erica Deuber Ziegler, historienne de l’art, a été entendue comme témoin.

Daniel Meyer, l’avocat de Laurent Leisi, intervenu dans cette affaire avec Butrint Ajredini, précise: «J’ai déclaré que les procédés de réclame de mon client étaient bien plus esthétiques que ceux utilisés par les enseignes voisines.» Et d’ajouter: «Mon client estime que le Service de l’espace public n’a pas d’autres priorités que de dépenser l’argent du contribuable dans de longues procédures pour harceler des petits commerçants genevois.»

Réclamation

L’histoire n’est pas tout à fait terminée. Car si le directeur du «Régent» a remporté la partie, il a déboursé plus de 10’000 francs dans cette affaire et le tribunal ne lui a accordé que 1000 francs d’indemnité. Une lettre de réclamation est déjà partie.

"La ville n'est pas perdante!"

«Nous n’avons pas perdu ce procès, tient à souligner Antonio Pizzoferrato, directeur du Service de l’espace public au Département de l’environnement urbain et de la sécurité. En réalité, c’est parce que la Commission des monuments, de la nature et des sites est revenue sur son préavis négatif que cette enseigne a finalement obtenu l’autorisation d’apposer des autocollants sur la devanture de son magasin.» Antonio Pizzoferrato rappelle aussi que les divers contrôles s’effectuent particulièrement lors de changements d’affectation ou pour régulariser une situation non conforme. «Nous ne contrôlons en effet pas tous les commerces chaque fois qu’il y a une modification de réglementation», précise le directeur. Enfin, la Ville, qui ne s’estime pas perdante dans cette affaire, annonce vouloir réfléchir aux règlements des émoluments judiciaires.