Un rapport de police accable l’Usine

«GHI» s’est procuré une note de service qui établit que les dealers utilisent le centre culturel comme abri pour échapper aux contrôles et planquer de la drogue. «Nous n’avons rien à nous reprocher», rétorquent les représentants de l’Usine.

  • La porte par laquelle les dealers pénètrent dans l’Usine pour échapper aux contrôles de la police. DR

    La porte par laquelle les dealers pénètrent dans l’Usine pour échapper aux contrôles de la police. DR

  • Le conseiller d’Etat Mauro Poggia. DR

    Le conseiller d’Etat Mauro Poggia. DR

Rebondissement dans la saga du centre autogéré de l’Usine à la Jonction. «GHI» s’est procuré un rapport de la police genevoise, établi au mois de mai 2019, dans lequel il est clairement constaté que les dealers qui sévissent aux abords de l’Usine utilisent, à leur guise, une porte latérale du centre alternatif pour se réfugier dans le bâtiment et échapper ainsi aux contrôles.

«Zone de deal libre»

Lors d’une fouille, les policiers ont également constaté que les dealers dissimulaient de la drogue à l’intérieur du bâtiment dans lequel ils rechargeaient librement leurs téléphones portables grâce aux prises électriques. Selon le rapport, une affichette était placardée dans la cage d’escalier avec l’inscription Deal free area (zone de deal libre).

De quoi relancer la polémique sur le soutien interne dont bénéficieraient les dealers et, du coup, envenimer les rapports déjà tendus entre police et usagers du centre alternatif. Pour mémoire, les accusations de «complicités internes» formulées dans la «Tribune de Genève» par le conseiller d’Etat Mauro Poggia, en charge du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES), avaient été qualifiées de «mensongères» par des représentants du centre autogéré dans «Le Courrier».

Limites à ne pas franchir

«Je n’ai pas l’habitude de proférer des accusations à la légère, clarifie d’emblée Mauro Poggia. Dans cette affaire, mon but n’a jamais été de mettre en cause l’Usine en tant que lieu nécessaire d’expression culturelle, mais d’avertir ses responsables qu’il y a des limites à ne pas franchir. Les personnes qui me traitent de menteur, et qui prétendent gérer ce lieu, sont soit malhonnêtes, et n’ont alors pas à exercer cette fonction, soit ignorent ce qui se passe à l’intérieur de leur centre et sont alors incompétentes, de sorte qu’elles n’ont pas plus de légitimité à s’exprimer au nom des membres de l’Usine.»

Policiers entravés

Reste à comprendre si le discours déterminé du magistrat annonce un durcissement contre le deal de rue aux abords de l’Usine? «Il n’y a pas de changement. Ma ligne politique est claire. La police doit faire respecter la loi. Ni plus, ni moins», clarifie Mauro Poggia. Avant de poursuivre: «Lorsque les policiers sont entravés dans l’exercice de leur fonction, par des personnes qui les insultent et les traitent de racistes, je me dois de réagir. Il est trop facile de victimiser les dealers sous prétexte qu’ils n’auraient pas d’autre moyen de subvenir à leurs besoins. Ces personnes, qui sont réduites à l’aide d’urgence et qui reçoivent le minimum vital, ont épuisé toutes les voies légales. Elles doivent quitter notre pays. La délinquance ne sera jamais une alternative justifiable. Quant à ceux qui les soutiennent pour des raisons idéologiques, je leur rappelle que nous sommes en démocratie, et qu’il leur incombe de combattre la loi qui leur déplaît et non ceux qui l’appliquent.»

Un message en guise d’avertissement qui a le mérite d’être clair: pas question de retirer le moindre propos ni d’assouplir l’action de la police… «Effectivement, je n’ai rien à retrancher à la vérité, ni rien à négocier quant à l’application de la loi, conclut Mauro Poggia. Je rappelle que l’autorité de poursuite pénale est le Ministère public qui n’a pas non plus indiqué vouloir faire preuve de mansuétude dans la lutte contre les dealers.»

«Accabler l’Usine de tous les maux est un aveu d’échec!»

«Je ne peux pas me prononcer sur un rapport de police dont je n’ai pas eu connaissance», prévient le conseiller administratif Sami Kanaan, en charge de la Culture en Ville de Genève. «Bien entendu, l’Usine doit respecter la loi. Mais de là à l’accabler de tous les maux sur le deal de rue alors que ce problème complexe la dépasse largement, c’est un amalgame inacceptable et représente surtout un aveu d’échec du Canton. Ce domaine requiert une action plus intelligente que de simplement chercher des boucs émissaires. C’est d’autant plus injuste que les responsables du centre culturel, dont le rôle est essentiel à Genève et dont la mission n’est certainement pas d’assurer la sécurité dans le quartier, réclament depuis des années des actions concertées pour aborder le problème. Et ceci inclut aussi la question de la clientèle, sachant que Genève est l’une des villes d’Europe qui a le taux le plus élevé de substances illicites dans l’eau potable!»

Côté Usine, la volonté d’apaiser les tensions est confirmée par les représentants du centre culturel autogéré: «Nous n’avons rien à nous reprocher et restons ouvert(e)s à toute discussion. Il n’y a aucune forme de complicité avec le trafic de drogue. Nous avons des règles qui s’appliquent à toutes les personnes qui entrent dans le bâtiment: pas de deal à l’intérieur, pas de consommation de drogue et pas d’utilisation des lieux comme cachette. De plus, conscient(e)s de l’ampleur de cette problématique qui dépasse largement celle de l’Usine et pour la traiter en profondeur, nous avons créé un groupe de travail. Lors de nos réflexions, toujours en cours, nous envisageons de faire appel aux structures de prise en charge existantes et de mettre en place des outils tels que tables rondes et rencontres.»