Une actrice X privée de reconversion.

EMPLOI • Star du porno en France, elle tentait de devenir secrétaire ou hôtesse d'accueil à Genève. Mais son agence d'intérim découvre son secret et s'en débarrasse.

  • Annabelle veut travailler à Genève pour tourner la page sur son passé de star du porno.

    Annabelle veut travailler à Genève pour tourner la page sur son passé de star du porno.

«Je n'ai jamais été vulgaire au travail. Pourtant, on m'a mis dehors en raison de mon passé d'actrice X!», s'indigne Annabelle*, une star française du porno qui tente tant bien que mal de se reconvertir comme secrétaire ou hôtesse d'accueil. Arrivée il y a un mois à Genève pour chercher du travail, elle vient d'être lâchée par une importante agence d'intérim de la place. La raison? «Lors d'un mandat comme hôtesse d'accueil dans un hôtel de luxe, quelqu'un m'a reconnue. Manifestement, il avait regardé mes films.»

Problème éthique

Devant l'incompréhension d'Annabelle, l'agence précise: «Il nous est difficile de risquer une nouvelle fois que vous soyez reconnue, lui indique une porte-parole dans un échange e-mail. Le client pourrait nous reprocher de ne pas lui avoir signalé cet élément de votre parcours.» Et de préciser: «Les mœurs sont ce qu'elles sont et nous ne pouvons pas changer les esprits.» Des explications qui révoltent Annabelle: «J'ai été secrétaire pendant près de 20 ans avant de devenir actrice X, raconte-t-elle. J'ai même effectué un passage réussi comme éducatrice dans le monde de la petite enfance. Dans l'agence, tout le monde était content de mon travail.»

Rejet abusif?

Le rejet d'Annabelle est-il pour autant abusif? «Dans l'hypothèse qu'un contrat à durée indéterminée liait Annabelle à l'agence, probablement oui, analyse Giuseppe Donatiello, un avocat actif dans le droit du travail. Etre renvoyée pour avoir été une actrice X correspond à perdre son emploi à cause de son passé professionnel, c'est-à-dire pour une raison inhérente à sa personnalité. Dans le cas d'Annabelle, sa volonté de tourner la page mérite d'être protégée, d'autant plus que son activité antérieure n'était même pas contraire au droit.»

Avenir incertain

Par crainte pour son avenir professionnel, Annabelle a décidé de ne pas porter plainte contre l'agence. En attendant de nouvelles opportunités, elle fait profil bas: «Je pense que je vais être obligée de changer radicalement d'apparence pour avoir l'espoir de décrocher une place fixe un jour», se désespère-t-elle. L'agence, de son côté, se montre déterminée: «Nous n'avons aucun contrat à durée indéterminée avec Annabelle. Nous proposons des candidatures sur la base d'expérience professionnelle, en toute transparence avec nos clients. Ces derniers payent pour un service et donnent plus facilement une chance à un dossier sans activité parallèle.» Et Annabelle de rétorquer: «C'est hallucinant qu'on ne m'accorde pas le droit à une réinsertion professionnelle. Surtout dans un pays où la prostitution est légale!»
*nom connu de la rédaction