Une porte du XVIe siècle découverte par hasard

Mise au jour lors de travaux techniques au pied du palais Eynard, cette ouverture située au bastion Saint-Léger permettait aux habitants d’accéder à la Vieille-Ville depuis Plainpalais. Explications.

  • Evelyne Broillet-Ramjoué, du Service cantonal d’archéologie, livre les secrets de ce vestige patrimonial.  MARIE PRIEUR

    Evelyne Broillet-Ramjoué, du Service cantonal d’archéologie, livre les secrets de ce vestige patrimonial. MARIE PRIEUR

Elle était juste là, dans un coin du parc des Bastions, emballée dans du lierre depuis des siècles. Tel un cadeau de Noël à l’attention des archéologues genevois. Les yeux encore pétillants de cette incroyable découverte, Evelyne Broillet-Ramjoué, du Service cantonal d’archéologie, explique: «C’est l’une des portes du bastion Saint-Léger. Au XVIe siècle, elle devait permettre l’accès de la population à la Vieille-Ville depuis Plainpalais.» De l’autre côté du bastion, rue Jean-Gabriel Eynard, les vestiges d’une galerie voûtée menant à une poterne avaient déjà été révélés. «Plus petite, elle conduisait dans les fossés et servait, elle, au passage de la garnison», poursuit l’archéologue.

Les traces du pont-levis

Quant à cette grande porte utilisée par les civils donc, les traces de son existence étaient demeurées inconnues jusqu’à l’été dernier. C’est pour installer au pied du palais Eynard, un dispositif technique servant à réfrigérer les archives, que les ouvriers ont coupé un immense houx et dégagé le lierre du mur d’escarpe du bastion. «A ce moment-là, Matthieu de la Corbière, le directeur de l’Inventaire des monuments d’art et d’histoire et moi-même, avons levé les yeux. Je lui ai demandé: Mais tu connais cette porte toi? Il m’a répondu: mais non!» Construite au sein du bastion entre 1537 et 1539, la porte en question est équipée d’un pont-levis en 1540. «On distingue les traces de l’emplacement des fixations des chaînes. Ainsi que les anciens négatifs qui permettaient la bascule des flèches et l’abaissement du pont», décrit Evelyne Broillet-Ramjoué, tout en montrant des traces plus sombres sur le mur, dans le couvrement en calcaire de la porte. C’est justement pour cacher les flèches que celle-ci était située dans un renfoncement du bastion. Autres marques visibles, celles qui constituent la signature des tailleurs de pierres.

Signalée sur un croquis d’espion

«Cette porte n’a pas servi longtemps. On sait en effet qu’elle a été définitivement murée en 1565», indique l’archéologue. Pour cause, cette ouverture est située à un endroit hautement stratégique. D’ailleurs, l’espion, Bartolomeo Passone de Novello, ne manque pas de la signaler dans un croquis à l’attention du duc de Savoie. Même si, sa mémoire lui faisant légèrement défaut, il ne la place pas tout à fait au bon endroit. Comme il est désormais possible de le vérifier en jetant un œil à ce vestige des siècles passés.