Affaire Adeline: «L’Etat doit assumer la récidive!»

  • Le Code pénal ne condamne pas d’office l’Etat lorsqu’un criminel récidive lors d’une sortie conditionnelle.
  • Une initiative veut changer la loi pour éviter d’autres tragédies comme celle d’Adeline, Marie et Lucie.
  • Effets? Les libertés anticipées diminueraient, les réinsertions seraient moins préparées. Controverse.

  • La police sur les lieux (les bois de Genthod) où Adeline a été sauvagement assassinée  le 12 septembre 2013. CHRISTIAN BONZON

    La police sur les lieux (les bois de Genthod) où Adeline a été sauvagement assassinée le 12 septembre 2013. CHRISTIAN BONZON

«Cette initiative est indispensable et nécessaire pour faciliter la prise en charge du dommage subi par les victimes de condamnés récidivistes»

Me Simon Ntah, avocat de la famille d’Adeline

A Genève, la rentrée parlementaire remet sous les projecteurs une initiative controversée. Déposée en mai dernier par Natalie Rickli (UDC/ZH) dans le sillage des affaires Adeline (GE), Marie (VD) et Lucie (FR), celle-ci demande de modifier le Code pénal afin que «les autorités ayant allégé la peine d’un criminel ou l’ayant mis en liberté conditionnelle doivent toujours répondre des dommages causés si l’intéressé récidive».

Concrètement, le gouvernement genevois devait-il assumer pénalement les conséquences de l’assassinat d’Adeline? Pour mémoire, le 12 septembre 2013 lors d’une sortie équestre thérapeutique autorisée, la sociothérapeute de La Pâquerette avait été sauvagement assassinée par le récidiviste Fabrice A. Adeline avait 34 ans et était mère d’un bébé de 9 mois.

Qui est responsable?

Selon le Code pénal actuel, le gouvernement n’est pas responsable d’office des crimes commis par des récidivistes au bénéfice de sorties exceptionnelles (liberté de quelques heures, congé d’un week-end, travail externe ou libération conditionnelle). Exception à Genève, le canton prévoit une responsabilité de l’Etat uniquement si un de ses fonctionnaires a commis une faute. En l’occurrence, dans l’affaire d’Adeline, les institutions rattachées au Département de la sécurité (DS), autorité tutélaire provisoire du centre de sociothérapie, et celui de la Santé, qui supervisait, pour sa part, La Pâquerette au niveau thérapeutique, ont fait l’objet de procédures. Sur cette base notamment, le Conseil d’Etat avait indemnisé la famille d’Adeline. Et cela même si la directrice du Service d’application des peines et mesures (Sapem), d’abord poursuivie pour avoir autorisé la sortie de Fabrice A., avait été finalement blanchie en seconde instance. Elle était défendue par Me Robert Assaël.

«Si l’Etat a effectivement assumé sa responsabilité, les démarches étaient toutefois difficiles et complexes», tient à rappeler Me Simon Ntah, qui représentait les intérêts de la famille d’Adeline.

Faciliter la réparation

Sensibles aux arguments visant à éviter d’autres drames, à responsabiliser davantage l’Etat et à faciliter la prise en charge des dommages même sans faute d’un fonctionnaire, l’initiative a été largement acceptée par la majorité du Conseil national en juin dernier. Sans surprise, elle l’est également par l’avocat de la famille d’Adeline: «La loi doit établir clairement une norme sur la responsabilisation de l’Etat lorsqu’il libère un criminel dangereux et qu’il récidive, poursuit Me Simon Ntah. Le projet est indispensable et nécessaire. Il facilitera la réparation.»

Des arguments loin de faire l’unanimité à Genève et Berne. Du côté des opposants à l’initiative, figurent en effet huit conseillers nationaux, dont trois Genevois, les directeurs des Départements de justice et police et la Commission de droit pénal genevois (lire ci-dessous). C’est dire que les débats qui viennent de reprendre s’annoncent âpres et combattus aussi bien sur le plan cantonal que national.