Arbres en Ville: massacre à la tronçonneuse

  • Depuis janvier, entre 792 et 1584 arbres auraient été abattus en Ville selon le site PilierPublic.com.
  • Un chiffre en forte hausse par rapport à la même période l’année dernière.
  • Vertement critiquées, les autorités préfèrent opter pour la politique de l’autruche.

  • Chaque point vert représente un avis d’abattage d’arbres (de trois à six) depuis janvier.

    Chaque point vert représente un avis d’abattage d’arbres (de trois à six) depuis janvier. PILIERPUBLIC.COM

«Avec de tels comportements, nos autorités nous mènent à la catastrophe»

Pierre Gauthier, conseiller municipal indépendant de gauche

Combien d’arbres ont été abattus en Ville de Genève depuis le début de l’année? Et combien ont été replantés? A ces questions simples, impossible d’obtenir la moindre réponse du Conseil administratif. L’exécutif nous renvoie au Canton, qui nous redirige vers la Ville. Derrière ce jeu du chat et de la souris se cache un gros malaise. Car la question est sensible et la réalité semble peu reluisante.

Selon le site PilierPublic.com, les autorités s’adonnent à un véritable massacre à la tronçonneuse: «Depuis janvier, il y a eu 213 avis d’abattage d’arbres et 51 enquêtes publiques avec dérogations pour abattage d’arbres en Ville de Genève, alerte Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur de PilierPublic.com. Théoriquement, chaque avis aboutit à l’abattage de trois à six arbres selon l’analyse de nos données, c’est donc entre 792 et 1584 arbres qui ont été ou seront bientôt abattus. Soit une hausse de 262% par rapport à la même période de l’année dernière. La Ville de Genève est la commune qui publie le plus d’avis d’abattage d’arbres dans le canton (lire encadré).» Pour compiler ces données, le site récupère les informations au sein de la Feuille d’avis officielle genevoise et des enquêtes publiques. Une méthode qui se base donc sur les chiffres officiels.

Enfumage révoltant

Pour déterminer l’étendue des dégâts, Pierre Gauthier, conseiller municipal indépendant de gauche, a opté lui pour une autre méthode. Il se base sur les statistiques du Service des espaces verts et de l’environnement de la Ville de Genève (SEVE). Ses conclusions sont moins pessimistes: «Jusqu’au 17 juin de cette année, 149 arbres ont été abattus.» Confronté aux chiffres du site PilierPublic, l’élu hausse le ton: «Avec de tels comportements, nos autorités nous mènent à la catastrophe écologique. Elles agissent comme si nous étions encore au XIXe siècle. Il faut immédiatement cesser de vouloir surdensifier, surconcentrer et surdévelopper notre canton-ville. La grenouille ne peut pas se faire aussi grosse que le bœuf. De leur côté, Guillaume Barazzone et Rémy Pagani veulent nous faire croire qu’ils végétalisent la Ville par leur communication agressive alors qu’ils nous rejouent «massacre à la tronçonneuse». C’est de l’enfumage et c’est révoltant!»

Contactés pour s’expliquer sur la véracité des chiffres d’abattages avancés, les deux conseillers administratifs n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

Moratoire voté

Le SEVE, par la voix de son adjoint de direction Jean-Théodore Bieri, n’est guère plus bavard. Il ne donne aucun chiffre, mais se veut tout de même rassurant: «Nous ne cachons rien. Au contraire, chaque abattage important fait l’objet d’une information publique où l’on donne les raisons de l’abattage aux passants. Très souvent, il s’agit d’arbres malades ou secs, devenus dangereux. Aucun arbre n’est abattu pour le plaisir. C’est à chaque fois un crève-cœur, mais c’est parfois une nécessité.»

Parfois seulement, car à la rue Hoffmann des arbres ont été abattus pour laisser la place à un chantier de rehaussement d’immeuble. Et les exemples de ce type sont nombreux. Ce qui a poussé le Conseil municipal à accepter le 11 septembre dernier, à l’unanimité moins trois abstentions, un moratoire sur l’abattage d’arbres en Ville.

«Nous avons la même impression que Guilhem Tardy, déplore Didier Bonny, coprésident des Verts. Mais les chiffres d’arbres coupés et replantés sur le territoire communal ne sont pas en notre possession, malgré nos demandes répétées auprès des autorités! La question est pourtant importante aux yeux des Genevois.» L’élu vert est-il rassuré par le Plan stratégique de végétalisation (OSV) qui prévoit un investissement de 100 millions de francs d’ici à 2030 et dont la mission est de verdir, fleurir et planter des arbres? «Le fond de cette démarche est pertinent, car les arbres en Ville sont une manière efficace de lutter contre le réchauffement climatique. Mais le plan ne va pas suffisamment loin, il a été proposé bien tardivement dans la législature et surtout aucun financement d’entretien de ces mesures n’est prévu!»

Hausse des abattages dans tout le canton

Les dernières statistiques du site PilierPublic.com confirment que le nombre d’abattages d’arbres est en hausse dans tout le canton comme le précise Guilhem Tardy: «Au niveau cantonal, il y a eu 1083 avis d’abattages d’arbres et 529 enquêtes publiques avec dérogations depuis le début de l’année. Donc en tout 1162 avis. C’est entre 4836 et 9672 arbres qui ont été ou seront abattus. La hausse est de 114%.» Avant de préciser: «La Ville de Genève contribue plus que toute autre commune à la progression des avis d’abattages d’arbres. Mais sur les dix communes qui publient le plus d’avis, dans l’ordre décroissant Genève, Chêne-Bougeries, Collonge-Bellerive, Vernier, Lancy, Veyrier, Thônex, Cologny, Plan-les-Ouates et Versoix, toutes sauf Veyrier ont publié en août dernier un nombre d’avis supérieur à leur moyenne respective.»