Avec les ambulanciers au temps du Covid-19

  • Durant cette pandémie, les services d’ambulance sont fortement mis à contribution jour et nuit.
  • Le virus a modifié en profondeur l’approche et la prise en charge du patient et la désinfection du matériel et du véhicule.
  • Reportage en immersion au sein de la compagnie ambulances du Service d’incendie et de secours.

  • La sapeuse ambulancière Marine Dubuis nous dévoile le matériel  pour la prise en charge  d’un patient positif au Covid-19. La pochette «C43» contient le kit de première nécessité.

    La sapeuse ambulancière Marine Dubuis nous dévoile le matériel pour la prise en charge d’un patient positif au Covid-19. La pochette «C43» contient le kit de première nécessité. ©Stéphane Chollet

«Dès la première vague, on a dû repenser notre manière de travailler»

Capitaine Alexandre Genolet, chef de la compagnie ambulances du SIS

L’alarme retentit simultanément sur leurs deux téléphones. Branle-bas de combat. Sur le champ, les ambulanciers du Service d’incendie et de secours (SIS) quittent leur bureau situé au premier étage et rejoignent le garage de la caserne principale, à Plainpalais. D’après les premières informations, l’intervention concerne un patient positif au Covid-19. L’équipement spécifique s’impose. En quelques secondes, la sapeuse ambulancière Marine Dubuis enfile la tenue de protection biologique, en sus du masque... Bientôt, on ne distingue plus que ses yeux derrière les verres embués de ses lunettes. Prête à partir au front.

«C’est nécessaire pour nous protéger et éviter la propagation du virus, mais, cela crée une barrière entre l’ambulancier et le patient», regrette-t-elle. «Le relationnel est prétérité alors que c’est une grosse partie du métier. En nous voyant arriver vêtus ainsi, le patient et ses proches se sentent comme des pestiférés», confirme le capitaine Alexandre Genolet, chef de la compagnie ambulances du SIS.

De nouveaux réflexes

On est loin en effet de l’image rassurante de celui ou celle qui porte secours et prodigue les premiers soins. Seulement voilà, le Covid-19 est passé par là. «Dès la première vague, on a acquis de nouvelles compétences, de nouveaux réflexes», précise le capitaine Genolet.

Au-delà de la tenue, c’est toute la procédure qui a été repensée. Des questions de base posées par le 144 à l’approche du patient. S’il s’agit d’un cas covid avéré ou suspecté, c’est désormais seul que l’ambulancier leader pénètre dans le domicile de la personne à secourir. «Dès cet instant, on va réfléchir à tout ce qu’on touche. Nos gestes sont extrêmement limités», commente Marine Dubuis.

Le second, lui, reste à la porte. Il est chargé de prendre note des réponses du patient, du résultat des premiers examens effectués par son binôme. Mais aussi de récupérer dans un sachet rouge tout objet contaminé tels le stéthoscope et le thermomètre utilisés ou encore d’appeler d’éventuels renforts.

Kit essentiel

Pour agir le plus rapidement possible et limiter la contamination du matériel, une petite pochette est désormais accrochée à l’énorme sac à dos. «Elle contient des masques de deux sortes, les traditionnels et les FFP2 qui ont un pouvoir de filtration plus important, détaille le capitaine Alexandre Genolet. Il y a aussi un thermomètre et une pince à satu qui permet de mesurer le rythme cardiaque et le taux de saturation dans le sang.» L’essentiel!

Dans la majorité des cas, les patients covid qui font appel aux ambulanciers souffrent de problèmes respiratoires aigus ou ont de la fièvre. Le malade installé, on prend la direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

L’arrivée aux urgences des HUG

Au garage, l’ambulance peine à trouver une place pour se garer. Les portes s’ouvrent, le brancard file vers l’ascenseur. «S’il s’agit d’un patient positif, avéré ou suspecté, on emprunte la filière bleue. Sinon, la filière verte», explique Marine Dubuis.

A l’étage, à la réception des urgences, la signalétique est identique. Le patient est transféré du brancard au lit hospitalier. Puis, une fois le rapport transmis à un médecin des HUG, les ambulanciers mènent le patient dans la pièce appropriée, avant de le laisser aux bons soins du personnel hospitalier.

Retour au garage pour récupérer le véhicule qui, entre-temps, a été désinfecté par les pompiers volontaires (lire encadré). Marine Dubuis réapprovisionne le sac en matériel, notamment avec une nouvelle bouteille à oxygène. Puis fait le tour de l’ambulance. Car, «la confiance n’exclut pas le contrôle», comme le répète souvent son collègue, le sergent-chef Jérôme Christinet. Il est temps de repartir à la caserne.

Ce jour-là, il n’y aura pas d’autres interventions avant la relève. «C’est vraiment très variable, souligne le capitaine Genolet. Un samedi, on a fait 17 interventions, dont 11 covid.» En attendant, pour Marine Dubuis, la journée s’achève. «On ne va pas se mentir, on en a tous marre de cette pandémie… Mais, nous, au moins, on n’est pas coupé du monde. Et on se sent utile.»

Plutôt indispensables!

Pompiers volontaires et aspirants en renfort

MP • Dès que le patient a quitté l’ambulance, ils passent à l’action. Dans le garage des ambulances des HUG, les pompiers volontaires de la Ville de Genève, sont à pied d’œuvre. Leur rôle: désinfecter le véhicule qui vient de transporter un malade du Covid-19. De quoi faire gagner vingt minutes aux ambulanciers. Et permettre de diviser par deux le temps d’attente avant qu’une ambulance soit à nouveau disponible. Chaque jour depuis lundi 2 novembre, ils sont 14 à opérer le tournus. Après leur journée de travail ou sur leurs congés, ils viennent prêter main forte. Arrivée à 16h, une équipe astique, désinfecte et nettoie jusqu’à minuit.

Dans les étages supérieurs, au tri des urgences, ce sont les aspirants de l’école des sapeurs-pompiers professionnels qui sont venus en renfort, depuis le début du mois. De quoi forcer le respect notamment de la magistrate de tutelle du SIS, la conseillère administrative Marie Barbey-Chappuis qui salue «le courage et la détermination de ceux qui s’engagent sur le terrain. Cette crise oblige chacune et chacun à donner le meilleur de soi-même, à développer les collaborations entre toutes les entités ainsi qu’avec les personnes qui en ont besoin, poursuit-elle. C’est grâce à cette solidarité et à cette mobilisation de tous les instants que nous pourrons vaincre le Covid».