«L’impôt engendrerait des revenus annuels pour les collectivités de 100 à 200 millions de francs»
Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse
«La question de la légalisation du cannabis fait l’objet d’une discussion de nature politique, précise Emmanuelle Lo Verso, porte-parole du Département de la sécurité. A ce stade, Pierre Maudet garde ses réflexions pour ses collègues du Conseil d’Etat.» Si à Genève, on continue d’en discuter, les pays qui ont légalisé la marijuana sont de plus en plus nombreux. Après l’Uruguay et neuf Etats américains, le Canada a autorisé l’automne dernier la vente, la possession et la consommation de cannabis à usage récréatif et médical. Avec à la clé la création annoncée de 150’000 emplois. Si une telle décision était prise dans le canton de Genève, 2000 postes pourraient être ainsi créés.
Cagnotte à la clé
Pour Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse, il convient de se pencher sur cette question: «Comme la grande majorité des professionnels du secteur des addictions en Suisse, j’estime qu’il est temps d’explorer d’autres approches que l’interdiction du cannabis.» Avant d’articuler des chiffres: «Ce marché pèserait de 40 à 80 tonnes en Suisse. Et, si on prend un prix de vente d’environ 10 francs par gramme, il pourrait valoir 400 à 800 millions. Avec un impôt de l’ordre de 25%, l’Etat aurait des revenus annuels pour les collectivités de 100 à 200 millions de francs.»
Avec environ 6% de la population suisse, le canton de Genève engrangerait donc de 6,5 à 13 millions de francs chaque année uniquement grâce à l’impôt. Le marché genevois du cannabis est estimé à 50 millions de francs par an.
Favorable à une légalisation totale du cannabis, Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement romand d’études des addictions (GREA), estime que les éventuelles rentrées d’argent devront être encadrées: «Les revenus dépendront du modèle de fiscalité. Nous soutenons une redistribution des taxes aux cantons car ils ont aussi la charge des problématiques sanitaires liées à cette substance.»
Emplois démultipliés
Chez Holyweed, la société du très médiatique Bernard Rappaz qui vend du CBD (le cannabis légal à faible taux de THC, autorisé depuis juin 2016), on préfère rester prudent: «Nous sommes partisans d’une réglementation et non pas d’une libéralisation. Cela garantirait un contrôle sur les producteurs et les distributeurs, nuance Kelly Szabados, responsable communication. En cas de légalisation, notre chiffre d’affaires serait multiplié par 25 et nous pourrions passer de 15 à 60 ou même 80 employés.»
Frank Zobel précise: «Ce que nous apprend le marché du CBD, c’est le dynamisme des acteurs économiques dans ce secteur. En l’espace de quelques mois, on est passé d’un produit confidentiel aux rayons de plusieurs chaînes de supermarchés et de kiosques. Si on légalise le cannabis, il faudra des règles claires et contraignantes pour éviter que l’on trouve cette substance en vente n’importe comment, n’importe où et à n’importe quel prix.»
Reste que l’or vert suscite d’importantes convoitises. Et le marché du CBD a inévitablement ouvert une brèche, selon Kelly Szabados: «Il a permis de déstigmatiser le chanvre et de démontrer qu’une régulation est tout à fait possible en Suisse.»