Cannabis: le nouvel or vert pourrait rapporter gros

  • La vente de marijuana représenterait plus de 50 millions de francs annuels à Genève.
  • Sa légalisation créerait des milliers d’emplois et renflouerait les caisses publiques.
  • Les milieux de prévention y sont favorables dans un cadre réglementé par l’Etat. Notre dossier.

  • En cas de légalisation, le cannabis pourrait créer 2000 emplois dans le canton de Genève. 123RF/ERIC LIMON

    En cas de légalisation, le cannabis pourrait créer 2000 emplois dans le canton de Genève. 123RF/ERIC LIMON

«L’impôt engendrerait des revenus annuels pour les collectivités de 100 à 200 millions de francs»

Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse

«La question de la légalisation du cannabis fait l’objet d’une discussion de nature politique, précise Emmanuelle Lo Verso, porte-parole du Département de la sécurité. A ce stade, Pierre Maudet garde ses réflexions pour ses collègues du Conseil d’Etat.» Si à Genève, on continue d’en discuter, les pays qui ont légalisé la marijuana sont de plus en plus nombreux. Après l’Uruguay et neuf Etats américains, le Canada a autorisé l’automne dernier la vente, la possession et la consommation de cannabis à usage récréatif et médical. Avec à la clé la création annoncée de 150’000 emplois. Si une telle décision était prise dans le canton de Genève, 2000 postes pourraient être ainsi créés.

Cagnotte à la clé

Pour Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse, il convient de se pencher sur cette question: «Comme la grande majorité des professionnels du secteur des addictions en Suisse, j’estime qu’il est temps d’explorer d’autres approches que l’interdiction du cannabis.» Avant d’articuler des chiffres: «Ce marché pèserait de 40 à 80 tonnes en Suisse. Et, si on prend un prix de vente d’environ 10 francs par gramme, il pourrait valoir 400 à 800 millions. Avec un impôt de l’ordre de 25%, l’Etat aurait des revenus annuels pour les collectivités de 100 à 200 millions de francs.»

Avec environ 6% de la population suisse, le canton de Genève engrangerait donc de 6,5 à 13 millions de francs chaque année uniquement grâce à l’impôt. Le marché genevois du cannabis est estimé à 50 millions de francs par an.

Favorable à une légalisation totale du cannabis, Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement romand d’études des addictions (GREA), estime que les éventuelles rentrées d’argent devront être encadrées: «Les revenus dépendront du modèle de fiscalité. Nous soutenons une redistribution des taxes aux cantons car ils ont aussi la charge des problématiques sanitaires liées à cette substance.»

Emplois démultipliés

Chez Holyweed, la société du très médiatique Bernard Rappaz qui vend du CBD (le cannabis légal à faible taux de THC, autorisé depuis juin 2016), on préfère rester prudent: «Nous sommes partisans d’une réglementation et non pas d’une libéralisation. Cela garantirait un contrôle sur les producteurs et les distributeurs, nuance Kelly Szabados, responsable communication. En cas de légalisation, notre chiffre d’affaires serait multiplié par 25 et nous pourrions passer de 15 à 60 ou même 80 employés.»

Frank Zobel précise: «Ce que nous apprend le marché du CBD, c’est le dynamisme des acteurs économiques dans ce secteur. En l’espace de quelques mois, on est passé d’un produit confidentiel aux rayons de plusieurs chaînes de supermarchés et de kiosques. Si on légalise le cannabis, il faudra des règles claires et contraignantes pour éviter que l’on trouve cette substance en vente n’importe comment, n’importe où et à n’importe quel prix.»

Reste que l’or vert suscite d’importantes convoitises. Et le marché du CBD a inévitablement ouvert une brèche, selon Kelly Szabados: «Il a permis de déstigmatiser le chanvre et de démontrer qu’une régulation est tout à fait possible en Suisse.»

Berne accepte des essais pilotes

Le Conseil fédéral souhaite que des essais pilotes sur le cannabis soit menés pendant une durée de cinq ans. But avoué? Tirer des enseignements sur les effets sur la santé des consommateurs, le marché de la drogue, la protection de la jeunesse et la sécurité publique. Une majorité des partis est favorable à cette démarche, estimant que la politique répressive de ces dernières décennies à échoué. Les Verts’libéraux et les Verts vont encore plus loin. Ils défendent une position claire: le cannabis doit être légalisé et taxé comme le tabac et l’alcool. Quant à l’Association suisse pour la prévention du tabagisme, elle exige de la Confédération que toutes les mesures soient prises afin d’éviter une normalisation de la consommation de cannabis.