«J'ai accès à plusieurs armes à feu et je n'hésiterai pas à les utiliser pour tuer quelqu'un si je me sens menacé!» Georges*, quadragénaire français au bénéfice d'une immunité diplomatique, ne mâche pas ses mots. Comme quelque 4000 représentants des ambassades vivant à Genève – population la plus importante du monde avec New York – il est au-dessus de la loi grâce à son statut de fonctionnaire international «VIP».De son côté, Alain, fêtard de 29 ans et fils de diplomate, connaît aussi les joies de la vie sans inquiétude légale: «Un soir avec mes amis, nous étions une vingtaine à boire et prendre des stupéfiants au bord du lac, raconte-t-il. La police n'a pas tardé à se pointer.» Au moment du contrôle, Alain sort sa carte de légitimation diplomatique sans broncher: «Sur les 20 personnes présentes, je suis le seul qui n'a pas été amené au poste», rigole-t-il.A l'heure où un crédit-cadre pour la Genève internationale fait l'objet d'une motion à Berne (lire ci-contre), l'agacement des Genevois envers les abus de certains membres du corps diplomatique demeure légion.
Bourreaux en puissance
Parfois, les frasques des diplomates font des victimes. Sur glocals.com, le site web de la communauté expatriée en Suisse, les témoignages sont nombreux: «Epouse d'un diplomate, une de mes amies était régulièrement battue par son mari, raconte Carole, fonctionnaire internationale sans immunité diplomatique. Jusqu'au point de frôler une fausse couche après un excès de violence.» Et de poursuivre: «La police et la Mission suisse n'ont évidemment rien fait pour l'aider. On lui a simplement conseillé de tenter de faire lever l'immunité diplomatique de son mari via son ambassade. Au final, c'est l'association Solidarité femmes qui l'a aidée à quitter le pays.»Dave, ex-époux d'une diplomate et expatrié britannique, a également fait les frais d'un comportement abusif: «Mon ex-femme diplomate m'empêche encore de voir ma fille de 9 ans en dépit des consignes du juge, s'indigne-t-il. Cela fait plus d'un an que je me bats pour faire valoir mon droit de garde, en vain. Elle n'est jamais venue à la moindre convocation du Tribunal.»
Etat actif?
Face à ces excès, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) se dit proactif: «Lorsque nous sommes saisis d'une telle demande, nous examinons la situation en tenant compte de l'ensemble des circonstances liées au cas et notamment du principe de la proportionnalité, souligne Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole du DFAE. Dans tous les cas, il veille à ce que la partie en cause s'acquitte des éventuels dommages et autres frais dont elle est responsable.» Une théorie qui ne se vérifie que très peu en pratique: «Même si un diplomate est interpellé en flagrant délit d'infraction à la loi, il peut faire valoir son immunité diplomatique dès l'instant où il sort sa carte de légitimation, reconnaît Jean-Philippe Brandt, porte-parole de la police. Par contre, nous pouvons dénoncer le contrevenant et porter le cas à la connaissance de la Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies.»Alain, le fils de diplomate fêtard contrôlé pour sa consommation de stupéfiants, pour sa part, compte narguer la police encore longtemps: «Qu'est-ce que je risque dans le fond?» Vu ses années de débauche sans embûche, pas grand chose... *noms d'emprunt.