Champ-Dollon: un détenu sur deux est musulman

En 2017, l’établissement pénitentiaire dénombre 47,2% de personnes de confession musulmane. Cette surreprésentation impacte le fonctionnement de la prison. Exemple: tous les repas servis quotidiennement aux prisonniers sont sans porc. Coup de projecteur sur une réalité dont personne ne parle. Notre enquête.

  • A Champ-Dollon, les catholiques représentent 20,9% des détenus, les orthodoxes 7,8% et les protestants 2,1%. DR

    A Champ-Dollon, les catholiques représentent 20,9% des détenus, les orthodoxes 7,8% et les protestants 2,1%. DR

«L’islam est une religion prônant le bon comportement et l’honnêteté»

Hafid Ouardiri, directeur de la fondation de l’Entre-connaissance

Les prisonniers de confession musulmane sont majoritaires à Champ-Dollon. C’est Laurent Forestier, directeur de la communication de l’Office cantonal de la détention, qui le confirme: «Durant les six premiers mois de l’année 2017, la part des détenus musulmans s’est élevée à 47,2%.» Ce chiffre est, par exemple, de 20,9% pour les catholiques, de 7,8% pour les orthodoxes et de 2,1% pour les protestants. Pour rappel, selon l’Office fédéral de la statistique, les musulmans représentent environ 6% de la population genevoise. Contacté pour commenter ces statistiques, le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet, en charge de la sécurité et de l’économie, nous a répondu qu’il ne souhaitait «rien rajouter de plus».

Aucun lien religieux

Pour Martine Brunschwig Graf, ancienne conseillère d’Etat et actuelle présidente de la Commission fédérale contre le racisme, l’explication est évidente: «Le fait d’avoir une grande part de musulmans est liée à la provenance des détenus dont le domicile est à l’étranger. Si leur pays de domicile compte une majorité d’habitants musulmans, cette proportion va forcément se retrouver dans la part de la population incarcérée.» Avant d’ajouter: «On ne peut rien en déduire et certainement pas que la religion, islam ou autre, ne conduise à la délinquance.»

Repas adaptés

Même son de cloche de la part d’Hafid Ouardiri, directeur de la fondation de l’Entre-connaissance: «Je ne donne aucune connotation religieuse à ce chiffre. Ces détenus vivent souvent des difficultés sociales et culturelles. Ces difficultés ne viennent pas de l’islam qui est une religion prônant le bon comportement et l’honnêteté.» Au quotidien, cette réalité chiffrée a des conséquences. Comme le précise Laurent Forestier: «Les repas sont sans porc pour tous les détenus. Durant le ramadan, ils sont servis le soir, complétés de dattes et de lait. Un imam est présent le vendredi à Champ-Dollon.» Cependant, le fonctionnement de la prison ne permet pas de s’adapter aux moments de prière. Ce qui ne dérange pas Hafid Ouardiri: «C’est normal que les activités ne se fassent pas en fonction des prières. Les détenus doivent se soumettre au lieu où ils se trouvent.»

Les stupéfiants en tête des délits

Durant les premiers mois de cette année, l’infraction à la loi sur les stupéfiants représente le principal délit commis par les détenus musulmans. Suivent dans l’ordre, le vol, les infractions à la loi fédérale sur les étrangers, les dommages à la propriété et les violations de domicile. En ce qui concerne les pays de provenance, l’Albanie (17,8%) arrive en tête. Suivie de l’Algérie (15,7%), de la France (9,8%), de la Guinée (8,3%), du Maroc (6,4%), du Kosovo (5,9%), de la Suisse (4,4%), de la Tunisie (4,4%) de la Gambie (2,6%) et du Mali (2,3%).