Chauffage aux déchets alimentaires: c’est raté!

  • Le chauffage écologique de cinq communes de la Champagne coûte désormais aussi cher que le chauffage au mazout.
  • Les raisons? L’Usine d’incinération des ordures ménagères des Cheneviers est déficitaire et manque de déchets alimentaires.
  • Pas de futures hausses jusqu’en 2019 promettent les autorités.

  • Cinq communes de la Rive gauche sont reliées au réseau Cadiom, qui exploite la chaleur produite par l’Usine d’incinération des Cheneviers. SIG

    Cinq communes de la Rive gauche sont reliées au réseau Cadiom, qui exploite la chaleur produite par l’Usine d’incinération des Cheneviers. SIG

«Mes factures de chauffage écologique sont maintenant identiques à celles du mazout!»

Jean, résident de Lancy

Des milliers d’habitants de la Champagne, chauffés par l’incinération des déchets alimentaires de l’Usine des Cheneviers, sont outrés. En cause? L’augmentation progressive de leurs factures qui atteignent désormais le prix d’un chauffage à mazout. En trois ans, les tarifs de Cadiom, le réseau de chauffage à distance par incinération, vantés comme étant écologiques et économiques, ont subitement grimpé de 46%! Et ceci parce que l’Usine des Cheneviers, déficitaire, n’a plus assez d’ordures alimentaires à incinérer…

«Ce système de chauffage à distance devait être la révolution du siècle, s’étonne Jean, un Lancéen octogénaire. On se moque de nous, on nous a mis devant le fait accompli, nous avons été obligés de nous raccorder à ce réseau, il y a 10 ans, sous prétexte d’économies. Et aujourd’hui, on paie aussi cher qu’avant!» Tout comme les 25’000 autres résidents d’Onex, Lancy, Bernex, Confignon et Aire-la-Ville, Jean se sent trompé par la marchandise. «Va-t-on payer chaque année encore plus cher notre énergie écologique?»

A l’origine de ces augmentations de tarifs, le manque à incinérer de déchets ménagers aux Cheneviers et les prix genevois trop bas par rapport au niveau suisse. L’Usine n’étant plus rentable, le Conseil d’Etat et les Services industriels genevois (SIG), actionnaires majoritaires de Cadiom, ont ainsi dû, depuis trois ans, augmenter progressivement les tarifs. Ils sont ainsi passés de 7,1 à 10,4 centimes par kilowattheure.

De leurs côtés, les SIG détaillent les raisons de l’explosion des coûts ( (lire également ci-contre). «De 2002 à fin 2013, les clients du réseau Cadiom ont payé un prix très bas, largement inférieur à ceux du marché relève Elise Kerchenbaum, chargée de relations publiques aux Services industriels genevois (SIG), Or, il s’est avéré que ces tarifs ne permettaient de couvrir que partiellement les coûts de production de la chaleur.» Et de préciser: «Pendant ces années, les prix du mazout étaient, eux, très élevés. C’est à ce moment, en 2013, que le Conseil d’Etat a décidé de rééquilibrer les prix de la chaleur à distance.»

Cette hausse subite des factures de chauffage a fait l’objet d’une motion intitulée Je te chauffe et je te chaufferai toujours, déposée le 5 avril dernier au Grand Conseil. Le député vert Boris Calame demandait à l’Etat des explications. Dans sa réponse transmise avant les Fêtes pascales, le Conseil d’Etat explique que le changement est justifié par une adaptation des prix suisses. Il détaille aussi que les prix pratiqués jusqu’en 2013 ne pouvaient plus être maintenus alors que l’Usine d’incinération des ordures ménagères est en perte. Bonne nouvelle cependant pour les 25’000 Genevois concernés par ces hausses progressives: l’Etat annonce qu’il n’y aura plus d’augmentations avant 2019 et qu’elles seront désormais indexées selon l’inflation.

"La chaleur de l'Usine est très économique"

INTERVIEW • Le réseau de chauffage à distance Cadiom présente des avantages tant écologiques qu’économiques parce qu’il exploite la chaleur produite par l’incinération des déchets alimentaires des Cheneviers et garantit un tarif préférentiel du kilowattheure. Face aux augmentations, quel sera son avenir? Interview d’Elise Kerchenbaum, chargée de relations publiques aux Services industriels genevois (SIG), actionnaire majoritaire de Cadiom SA.

– GHI: D’autres augmentations sont-elles prévues?

– SIG: Le prix de la chaleur de Cadiom est contrôlé par le Conseil d’Etat. Il a été fixé en juin 2013 à 10,4 centimes par kilowattheure. Ce prix est bloqué jusqu’en 2019. Il faut savoir aussi que les prix de la chaleur à distance sont totalement indépendants de ceux du mazout.

– Que pouvez-vous dire aux habitants de la Champagne indignés face à ces hausses subites?

– Les SIG sont très attentifs aux tarifs de la chaleur à distance et partagent les préoccupations des clients sur cette récente hausse des prix. Nous rappelons cependant que les coûts de la chaleur à distance évoluent indépendamment de ceux du mazout. Et elle permet aussi de se chauffer avec une énergie bonne pour l’environnement, au même prix que l’énergie fossile.

– Depuis la mise en service de Cadiom, à combien se chiffre l’économie?

– Entre 2002 et 2012, un ménage alimenté par le réseau Cadiom a réalisé en moyenne des économies de 6500 francs. Par ailleurs, la chaleur produite aux Cheneviers permet d’économiser chaque année 17,8 millions de litres de mazout et 30’000 tonnes d’émissions de CO2.

– Quels sont les avantages du chauffage à distance?

– Cadiom a été créée pour valoriser la chaleur générée par l’usine des Cheneviers qui était perdue jusqu’en 2002. Elle bénéficie d’une concession de l’Etat d’une durée de 30 ans, qui court jusqu’en 2032. Le réseau est conçu pour durer bien au-delà de 2032 et il représente un investissement pour les futures générations à Genève. L’énergie dégagée par la valorisation des déchets aux Cheneviers permet de chauffer environ 25’000 habitants de la région de la Champagne. Cette chaleur à distance est bonne pour l’environnement car elle remplace des énergies fossiles et émettrices de CO2.