Cointrin: le bruit des avions rend malade

Vivre près d’un aéroport nuit à la santé cardiaque. Au-delà d’un certain nombre de décibels, le bruit aérien est associé à une hausse des hospitalisations de 2,9 à 6,9%. Deux études publiées récemment par la prestigieuse revue scientifique British Medical Journal mènent à cette conclusion.

  • Au-delà de 55 décibels, le bruit aérien est associé à une recrudescnce des  hospitalisations. DR

    Au-delà de 55 décibels, le bruit aérien est associé à une recrudescnce des hospitalisations. DR

Ceux qui croyaient encore que le bruit des avions ne menaçait pas la santé des riverains pourraient déchanter: deux récentes études publiées par la prestigieuse revue scientifique British medical journal (BMJ) démontrent qu’au-delà de 55 décibels (dB), le bruit aérien est associé à une recrudescence des hospitalisations pour problèmes cardiovasculaires. Or, d’après les relevés que GHI a pu se procurer, ce seuil est couramment dépassé dans une partie des communes de Vernier, Meyrin, Satigny, Bellevue, Genthod, Versoix, Chambésy et Ferney-Voltaire. Le service de presse de Genève Aéroport précise que cela concerne quelque 14’250 riverains.

Recherches scientifiques

Publiées mi-octobre, ces deux recherches ont été réalisées de façon scientifiquement rigoureuse, selon Max Brink, collaborateur à la section Bruit du trafic aérien de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). «Elles reposent sur des bases scientifiques qui semblent solides », estime également Bertrand Stämpfli, porte-parole de Genève Aéroport. La première étude porte sur 3,6 millions d’individus habitant à proximité de l’aéroport d’Heathrow, à Londres. La seconde englobe plus de six millions de personnes, âgées de 65 ans ou plus, vivant à proximité de 89 aéroports américains.

Risques

Les chercheurs ont remarqué une augmentation des risques et de la mortalité cardiaques pour les individus exposés aux plus hauts niveaux de bruit aérien. Pour chaque dizaine de décibels de plus au-delà de 55 dB, ils ont constaté une hausse de 2,9 à 6,9% du nombre d’hospitalisations pour maladies cardiovasculaires. Ils émettent donc l’hypothèse qu’il existerait un seuil critique à 55 dB au-delà duquel le bruit des avions affecterait la santé cardiaque. Or, à Genève, cette limite est assez couramment dépassée dans la plupart des quinze stations de mesures installées, dès les années 70, dans les communes avoisinantes. Par moments, dans la journée, on enregistre des moyennes de 50-60 dB à Vernier, 55-60 à Meyrin, 62 à Satigny, 64-66 à Bellevue, 56-60 à Genthod, 55-58 à Versoix, 50-57 à Chambésy et 62-65 à Ferney-Voltaire, selon les relevés transmis par l’Association des riverains de l’Aéroport de Genève (ARAG). Celle-ci considère toutefois que ces données sont à prendre avec des pincettes, car certains microphones sont placés «soit trop loin des trajectoires d’atterrissage et de décollage, soit dans des endroits où un bruit de fond masque celui des avions». De plus, le système de traitement informatique utilisé, installé en 2003, serait «désuet».

Controversé

Max Brink relève pour sa part que l’existence d’un seuil critique pour les risques cardiaques est une idée «assez controversée» dans la communauté scientifique, même s’il a été établi que le lien entre bruit aérien et hypertension était réel, avec une «augmentation significative» du risque à partir de 55-60 dB le jour et 50 dB la nuit. «Ces nouvelles études confirment donc ce qu’on pensait jusqu’ici», indique-t-il. En Suisse, d’après l’OFEV, le bruit aérien dépasse la limite des 55-60 dB sur une zone de 150 km2, touchant quelque 30’000 logements situés à proximité des deux aéroports nationaux, soit entre 62’000 et 65’000 personnes.

D’autres facteurs

« La corrélation entre bruit et santé a fait l’objet de nombreuses recherches. Toutes, convergent vers la démonstration d’un lien, admet Bertrand Stämpfli. Il ne nous appartient pas de juger ces deux dernières études. Nous remarquons toutefois que, contrairement à d’autres, elles ne tiennent pas compte de facteurs comme le tabagisme et le régime alimentaire, ce qui influence les résultats. De plus, il n’est pas établi de comparaison entre le bruit généré par l’aviation et celui qui provient du trafic routier. Or, à Genève par exemple, 23% de la population est concernée par le bruit du trafic routier, contre seulement 4% pour ce qui est du bruit aérien.» Enfin, les relevés des quinze stations de mesure montreraient une tendance à la baisse du bruit aérien, ce qui s’explique par des mesures de prévention comme l’interdiction des avions les plus bruyants et l’amélioration technologique de la flotte. Ces relevés, Mike Gerard, président de l’ARAG, se plaint de ne plus les recevoir depuis le mois d’avril, suite à des critiques qu’il a émises quant à leur fiabilité. Et ce, alors qu’il avait entrepris de les analyser à partir de 2004.

Crainte d’une hausse massive des vols long-courriers

FS • Président de l’Association des riverains de l’Aéroport de Genève (ARAG), Mike Gerard s’inquiète des ambitions d’agrandissement aéroportuaires. Le 28 octobre, il en a fait part à la Commission de l’économie du Grand Conseil genevois. «Nous sommes particulièrement préoccupés par la progression incessante des vols de nuit depuis plusieurs années, déclare-t-il. Alors que le nombre total de mouvements a baissé de 1% en 2013, les vols de nuit ont progressé de 5% par rapport à 2012. L’aéroport devrait consacrer 200 millions de francs pour rénover, adapter et développer ses installations au cours des prochaines années. Il est également question de l’agrandissement du terminal long-courriers Aile Est, pour plus de 300 millions de francs suisses, et d’un nouveau terminal qui devrait entrer en fonction dès 2020. Nous redoutons donc de subir une expansion massive du nombre de vols.»