Commerçants: «Le Léman Express nous menace»

  • Dès le 15 décembre, le quartier des Eaux-Vives ne sera qu’à huit minutes en train d’Annemasse.
  • Une nouvelle proximité qui inquiète de nombreux commerçants.
  • Ils sont convaincus que le réseau des trains transfrontaliers va doper le tourisme d’achat. Grogne!

  • Eric Richard, gérant d’une boucherie à la halle de Rive.

    Eric Richard, gérant d’une boucherie à la halle de Rive. STÉPHANE CHOLLET

«Au contraire, la destination Eaux-Vives deviendra intéressante pour les clients»

Mario Werren, directeur de Lémanis

Le Léman Express sera inauguré le 15 décembre prochain. Mais ce jour-là, tout le monde ne fera pas la fête à Genève. Pour certains commerçants du quartier des Eaux-Vives, ce baptême virera plutôt à une soupe à la grimace. Comme le confirme Philippe Thirot, responsable de l’épicerie bio Le Marché de vie, située à la rue des Eaux-Vives: «L’arrivée du Léman Express est une menace pour de nombreux commerces du quartier. Spécialement ceux qui sont actifs dans l’alimentation. Avec un trajet de seulement huit minutes en train, de nombreux clients genevois vont être tentés d’aller faire leurs courses en France. Ils le font déjà en voiture, mais là on leur met à disposition un moyen de transport supplémentaire.»

Un constat partagé par Eric Richard, gérant de la Boucherie Jacky Bula située dans la Halle de Rive, à un jet de pierres du quartier des Eaux-Vives: «Cela fait trois décennies que j’exerce et je peux vous assurer que la situation économique est très tendue depuis quatre ans. Le Léman Express va forcément envoyer de nouveaux clients en France voisine, cela me fait peur. Ma seule chance est d’être établi dans un lieu connu des Genevois et qui voit donc passer beaucoup de monde.»

Achats écoresponsables

Consciente des difficultés des petits commerçants, Joëlle Quevedo, présidente de l’association Ô Vives à Vous qui fédère les divers acteurs du quartier, tient à rassurer: «Les gens font déjà leurs courses de l’autre côté de la frontière, le Léman Express ou le futur tram pour Annemasse ne changeront pas grand-chose à cette triste réalité. Mon espoir est que les habitants se rendent compte qu’il faut consommer local car cela est davantage écoresponsable.»

Quant à Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois, elle estime également que les préoccupations écologiques peuvent être un soutien de poids pour le tissu local: «Dans cette période de développement durable, les Genevois sont sensibles à la consommation locale. Je veux croire que les consommateurs réalisent l’importance de favoriser le commerce de proximité lors de l’achat.»

Expérience unique

Avant d’admettre: «Je comprends les craintes des commerçants dans cette période déjà incertaine où la concurrence est rude et l’accès aux commerces parfois entravé à cause du trafic. Cependant, j’ai quelques habitudes dans certains magasins des Eaux-Vives et je constate que beaucoup d’entre eux ont déjà pris les devants en proposant des produits attrayants ou une expérience unique à leur clientèle. Je tiens aussi à mettre en avant le fait que le Léman Express devrait modifier la mobilité à Genève et, je l’espère, alléger le trafic dans certains quartiers.»

Mario Werren, directeur de Lémanis, la société en charge de la promotion et de l’exploitation du Léman Express, se veut également rassurant: «Le Léman Express ne dopera pas particulièrement le tourisme d’achat vers la France, car les grands centres commerciaux ne se situent pas tout près des lignes desservies. Au contraire, c’est plutôt la destination Eaux-Vives qui risque de devenir intéressante pour les clients, car elle sera directement reliée à l’ensemble du bassin franco-valdo-genevois.»

Un optimisme partagé par Sophie Mabille, fondatrice de l’épicerie bio L’Arcade: «Le quartier des Eaux-Vives est habité par un type de population très genevois avec ses traditions. Notre épicerie constitue un commerce de proximité: même la station du Léman Express la plus proche semble loin! Nous proposons des produits locaux bios, venant principalement des maraîchers et artisans du canton. Ces produits auraient donc de la peine à se vendre en France voisine!» Car le tourisme d’achat se nourrit bien davantage des prix inférieurs que de la provenance des produits…