Crise: forte hausse des faillites d’indépendants

  • Durant le second semestre 2020, les raisons individuelles mises en faillite ont bondi de 34% à Genève.
  • Cette forte hausse s’explique évidemment par la crise économique engendrée par la pandémie.
  • Une tendance inquiétante qui pourrait se poursuivre ces prochains mois.

  • Au cours du second semestre 2020, les procédures de faillites personnelles ont presque atteint le demi-millier dans le canton de Genève. 123RF/YOUICHI4411

    Au cours du second semestre 2020, les procédures de faillites personnelles ont presque atteint le demi-millier dans le canton de Genève. 123RF/YOUICHI4411

«La hausse du nombre d’indépendants à l’aide sociale est importante»

Alain Bolle, directeur de l’antenne genevoise du Centre social protestant

Ils sont graphistes, photographes, bijoutiers ou sanitaires. Depuis le début de la pandémie le printemps dernier, leur chiffre d’affaires s’est effondré. A Genève, ils sont toujours plus nombreux à devoir mettre la clé sous la porte, comme le précise Tatiana Oddo Clerc, chargée de communication au sein du Département des finances et des ressources humaines (DF): «Concernant les entreprises en raison individuelle, l’Office cantonal des faillites a observé 114 cas (au 4 janvier) au second semestre 2020 contre 85 à la même période en 2019, soit 29 faillites supplémentaires. Cette augmentation, répartie sur tous les secteurs d’activité, fait suite à la suspension des jugements de faillites en mars et avril 2020. Elle représente donc un rattrapage conjoncturel suite à la suspension obligatoire des poursuites pendant un mois.»

En d’autres termes, circulez y’a rien à voir. Oui, mais non. En effet, une explosion de 34% du nombre de raisons individuelles mises en faillite ne s’explique pas aussi facilement. La raison principale n’est certainement pas à chercher du côté d’un rattrapage conjoncturel, mais bien plutôt des effets de la pandémie sur l’activité économique.

478 nouvelles procédures de faillites

Un avis partagé par Guilhem Tardy, fondateur du site pilierpublic.com, qui a compilé les faillites des personnes physiques et celles des raisons individuelles. Un total qui fait froid dans le dos: «Durant le second semestre de l’année dernière, il y a eu 478 nouvelles procédures de faillites personnelles dans le canton de Genève, contre 435 pour la même période en 2019, alors que celles contre des entreprises comme les sociétés anonymes ou les sociétés à responsabilité limitée (Sàrl), par exemple, sont en baisse. Les mesures prises en faveur des entreprises seraient-elles plus efficaces que celles en faveur des indépendants et particuliers lors de la deuxième vague du Covid-19?»

Aggravation de la précarité

Une situation qui ne surprend pas Johanna Velletri, directrice de la Fondation genevoise de désendettement: «Depuis fin octobre, nous constatons une hausse des demandes de désendettement. Il est fort probable que la précarité va s’aggraver en 2021, en tout cas pendant le premier semestre.»

Ce que confirme Alain Bolle, directeur de l’antenne genevoise du Centre social protestant: «La hausse du nombre d’indépendants à l’aide sociale est importante. Ces demandes représentent 16% des nouveaux dossiers. Cette année sera très douloureuse pour les personnes frappées par des baisses ou des pertes de revenus dont une partie ne peut pas prétendre à l’aide sociale. D’autre part, nombre de personnes qui y auraient droit n’y font pas appel pensant que leur permis de séjour est en danger. Dans ce contexte, les factures impayées s’accumulent et cette situation rend leur quotidien très difficile.»

L'inquiétude pour un Suisse sur deux

Au niveau national, la situation n’est guère plus réjouissante. Selon la dernière étude European Consumer Payment Report 2020, réalisée par la société Intrum, près de la moitié des personnes interrogées en Suisse estiment que leurs dépenses augmentent plus vite que leurs revenus. C’est le coût de la vie qui exerce une pression particulièrement importante sur le budget de la population, selon Thomas Hutter, Managing Director d’Intrum Suisse: «Un citoyen suisse sur deux se retrouve avec moins de 20% de son salaire après avoir payé toutes ses factures à la fin du mois. Chez les consommateurs des pays de l’Union européenne, ce taux s’élève en moyenne à 41%. Il est déplorable, mais tout à fait compréhensible, qu’avec la diminution des moyens financiers, près de la moitié de notre population soit confrontée à des craintes existentielles.» Près d’un Suisse sur deux interrogés, âgés de 18 à 64 ans, a confirmé être plus préoccupé que jamais par son bien-être financier. L’étude ajoute que 19% des Suisses interrogés ont reporté d’une ou plusieurs fois le paiement de leurs factures en 2020.