Derrière le rêve, un secteur menacé

- Aucun salon au monde n’expose autant de voitures de rêve, concepts uniques ou séries limitées.
- La branche de l’automobile représente 15% du PIB du pays, loin devant… les banques.
- Plus de 220’000 personnes travaillent dans ce secteur, combien seront-elles en 2020? Les normes les menacent.

  • Le Salon international de l’Automobile de Genève est l’un des «big five» du monde. DR

    Le Salon international de l’Automobile de Genève est l’un des «big five» du monde. DR

  • Le Salon international de l’Automobile de Genève est l’un des «big five» du monde. DR

    Le Salon international de l’Automobile de Genève est l’un des «big five» du monde. DR

«Si notre pays fait cavalier seul, les dégâts seront énormes»

François Launaz président d’auto-suissse

Le nom ne vous dira rien, sauf si vous êtes passionné ou Allemand: Borgward. Cette marque automobile disparue en 1961 a choisi Genève pour renaître. Tout un symbole, elle aurait pu attendre Francfort cet automne. C’est ainsi, et les Suisses peinent à s’en rendre compte: le Salon international de l’Automobile de Genève est l’un des «big five» du monde aux côtés de Detroit, Paris, Francfort et Tokyo.

La part du rêve

Dénué de constructeur national, Genève les met tous à égalité. Et, bien que les hôtels coûtent cher, les stands ont un prix au mètre carré inférieur de moitié par rapport à Francfort ou Paris, même avec le franc fort. Cette situation permet à de petites marques exclusives de présenter leurs réalisations. Aucun autre salon n’en dénombre autant. Parmi elles, Sbarro, le seul Suisse, même si son école est juste de l’autre côté de la frontière. A Genève, les modèles uniques, ou en série limitée, allument des étincelles d’admiration dans les yeux des visiteurs. La rareté a son prix, près de deux millions pour une Bugatti, 2,5 pour la Ferrari revisitée par Glickenhaus…

La part de l’ombre

Près de 5,8 millions de véhicules motorisés circulent en Suisse, dont 4,38 millions de voitures. Les 220’000 personnes actives dans la branche réalisent 90,5 milliards de chiffre d’affaires, 15% du PIB (Produit Intérieur Brut). En comparaison, les banques totalisent 120’000 emplois pour 10% du PIB.

Une menace plane sur ce monde. Le président d’auto-suisse (l’association des importateurs) François Launaz avertit: si notre pays fait cavalier seul en matière de normes, les dégâts seront énormes. Explication: les émissions de CO2 doivent s’abaisser à 95g/km d’ici à 2020. Les constructeurs s’y emploient, d’ailleurs sur les 900 modèles exposés au Salon, une centaine les respecte déjà. Gros souci: les politiques veulent appliquer la norme en prenant les moyennes suisses et non celles de l’Europe comme le font tous les pays de l’Union européenne, mais aussi la Norvège et l’Islande. Comme les Suisses aiment bien les 4x4 et la sécurité au top, car ils estiment en avoir besoin et en ont les moyens, cela augmente le poids et la consommation. Ce calcul risque de coûter cher en taxes avec nos émissions un peu supérieures.

En chiffres: la pénalité que les constructeurs ont payée pour les grammes de CO2 dépassant la norme était de cinq millions l’an dernier. Répartie sur les 300’000 voitures commercialisées, cela n’est pas grand-chose. En 2021, si la Suisse faisait cavalier seul, ce serait cent fois plus, un demi-milliard de taxes selon auto-suisse. Intenable, les voitures renchériraient trop! Les Suisses ne voudront pas se laisser imposer l’achat de voitures plus petites, ni se tourner massivement vers le diesel. Ils achèteront de fausses occasions: des véhicules immatriculés six mois à l’étranger, importés et échappant ainsi à cette taxe. Un coup dur pour les revendeurs officiels. Et sans le moindre résultat sur l’abaissement des émissions de dioxyde de carbone. Le projet est en mains du Parlement… à suivre.

Le prix de la voie solitaire

GE • Les associations écologistes ATE, Greenpeace, ProNatura et WWF estiment que l’abaissement de la moyenne des consommations de 95g/km de CO2 doit être appliqué en Suisse et non repris de l’Union européenne. Cela signifie que la moyenne serait calculée sur «nos» véhicules, les 300’000 vendus en Suisse, et non les 12 millions en Europe. La difficulté: l’Europe dénombre une proportion bien plus élevée de diesels pauvres en CO2 que nous. Les Suisses achètent des voitures plus équipées, mieux motorisées. Selon ces associations, la proposition de se calquer sur l’Europe «va à l’encontre des incitations en faveur des véhicules écologiques».

Les importateurs estiment au contraire que les Suisses continueront à acheter plus de voitures à essence que de diesels, plus de 4x4 que les pays voisins, mais ils proviendront de l’étranger. Et échapperont aux pénalités. Le coût pour le pays serait élevé et cela menacerait l’emploi. Surtout, cela ne ferait pas baisser d’un iota les émissions de CO2.