Des associations et clubs sportifs montent au front

  • Les pratiquants sont de plus en plus nombreux et les infrastructures sont complètement saturées.
  • Un collectif s’est formé pour porter, d’une seule voix, les doléances des sportifs.
  • La façon dont la Ville attribue les subventions est aussi remise en question. Notre dossier.

  • Se mettre ensemble et parler d’une seule voix pour faire entendre les doléances des associations sportives. STéPHANE CHOLLET

    Se mettre ensemble et parler d’une seule voix pour faire entendre les doléances des associations sportives. STÉPHANE CHOLLET

«Il faut développer une vraie politique sportive pour mais aussi par les sportifs»

Laurent Seydoux, président de Fédéraction

Ils n’ont pas le même maillot mais ils partagent le même ras-le-bol. Qu’ils pratiquent la course à pied, le ski ou le ping-pong, des sportifs ont décidé de s’associer pour faire entendre leurs doléances. Ils sont une dizaine de présidents d’associations et clubs de la ville et du canton à avoir intégré un tout nouveau collectif. «Nous sommes confrontés à un manque criant d’adaptation des installations par rapport à la pratique actuelle du sport», entame Gabriel Vida, président de l’Association genevoise d’athlétisme.

L’athlétisme connaît une progression de ses adeptes de 10% par an. «On est passé de 400 licenciés, il y a cinq ans, à près de 700 aujourd’hui», poursuit-il. «Or, le pavillon B, au Bout-du-Monde est la seule salle à Genève pour l’athlétisme indoor. Et on doit la partager avec le basket et le tennis.» Le tennis justement devrait déménager au Bois-des-Frères, à Châtelaine, libérant des créneaux horaires au Bout-du-Monde. Mais, pour l’instant, rien ne bouge...

Même son de cloche au club de tennis de table UGS-Chênois, deuxième plus grand de Suisse avec ses 200 membres. La secrétaire, Sonia Rizzello, résume: «Notre salle, située au-dessus de la caserne de Frontenex va être à terme récupérée par les pompiers. On nous a promis des heures dans la salle omnisports de la future gare des Eaux-Vives, mais, on aura des horaires bloqués. Sans une salle permanente, c’est la fin de l’UGS tel qu’on le connaît aujourd’hui», alerte-t-elle.

Un manque d’infrastructures que dénonce aussi Laurent Seydoux. En tant que président de Fédéraction, le politicien chapeaute le nouveau collectif. Il renchérit: «Le cricket n’a plus de terrain. Les grimpeurs manquent de murs d’escalade. Les nageurs de lignes d’eau. Il y a un manque de concertation avec les acteurs de terrain. Il faut développer une vraie politique sportive pour mais aussi par les sportifs.»

300 millions sur quinze ans

Face à ce mécontentement, le conseiller administratif en Ville de Genève chargé du Département de la culture et du sport (DCS), Sami Kanaan, s’explique. «Les infrastructures sont saturées, admet-il sans ambages. La population augmente et le pourcentage qui fait du sport est en hausse. De plus, il faut concilier les pratiques individuelles avec les activités des clubs.»

De ce constat, est né «un plan très ambitieux» lancé en 2017. Il prévoit plus de 300 millions d’investissements dans les infrastructures sur quinze ans. «Pour l’instant, on respecte le calendrier», précise Sami Kanaan. Trois gros crédits arrivent prochainement devant le Conseil municipal dont celui pour le centre sportif des Eaux-Vives. «Nous travaillons aussi avec d’autres communes du canton pour mieux se coordonner par rapport aux besoins», indique le conseiller administratif.

Exigences en matière de sécurité

Un plan qui ne calme ni l’impatience ni la grogne. «Il y a un vrai découragement de la part des clubs et associations qui doivent faire face à ces problématiques mais surtout à un manque de reconnaissance», estime Laurent Seydoux. La multiplication des démarches administratives et des exigences en matière de sécurité renforce ce découragement.

Un sentiment criant chez les organisateurs de courses à pied. «Si ça continue, le patrimoine du running genevois avec ses courses locales va peu à peu disparaître», affirme Patricia Bongini, secrétaire de l’association Running Geneva. André Sotomayor, responsable de la sécurité sur plusieurs événements, dont le Tour du canton ajoute: «Beaucoup de choses sont faites en faveur de la culture mais on oublie le bien être et les valeurs qu’apporte le sport. C’est important que l’on se sente soutenu et épaulé par les autorités.»

C’est dans ce contexte que le collectif monte au front. «On ne fait pas ça contre la Ville, insiste Gabriel Vida. On se dit que si on parle d’une seule voix, cela peut aider nos politiques à connaître nos besoins.»

«Des critères de subventions opaques»

Au-delà du manque d’infrastructures, plusieurs clubs et associations dénoncent la baisse des subventions. Ainsi, Genève Snowsport, qui compte 21 ski clubs du canton parmi ses membres, a vu l’aide annuelle de la Ville de Genève passer de 134 000 francs (en 2014) à 77 000 francs (en 2019). «On avait un peu de capital de côté il y a 5 ans. Du coup, la Ville nous a donné moins. Aujourd’hui, on a quasi plus de sous en réserve et les subventions diminuent d’année en année», indique Gregory Zufferey responsable du centre ski de fond pour Genève Snowsport.

«Plusieurs clubs se plaignent, sans trop oser le dire, que les critères pour bénéficier des subventions de la Ville ne sont pas transparents», rapporte Laurent Seydoux, président de Fédéraction. «Faux! rétorque Sami Kanaan,

le conseiller administratif chargé des Sports. Les critères de subventions sont clairement définis. Et ont été expliqués à tous les subventionnés lors d’une réunion en septembre 2018.» En 2018, 4,8 millions de francs ont été distribués à 118 bénéficiaires, soit 42 disciplines sportives différentes. Auxquels s’ajoutent 7,6 millions pour prestations en nature. «Il est clair qu’on est plus regardant qu’avant, poursuit le magistrat. Certains ont peut-être mal digéré que l’on ait temporairement diminué leurs subventions, notamment suite à des audits.»