Domaine public: «L’Etat veut notre perte!»

- Les tarifs de l’utilisation du trottoir, de la chaussée ou des places publiques ont explosé depuis le 1er janvier.
- Bistrots, cirques, maraîchers, puciers paient 40% de plus.
- Pour les chantiers, la hausse est carrément de 400%. Panique à bord!

  • Le coût de l’utilisation du domaine public n’avait pas changé depuis 1988. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

    Le coût de l’utilisation du domaine public n’avait pas changé depuis 1988. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

«Nous subissons une augmentation de 43%!»

Cirque Nock

Les trottoirs et la plaine de Plainpalais sont en or à Genève depuis le début de l’année! Pour empiéter sur le domaine public, les restaurateurs, maraîchers, propriétaires de cirques, organisateurs de manifestations et médias (installation des caissettes à journaux) paient leur facture mensuelle 40% plus cher! Mais ce sont les chantiers qui trinquent le plus avec une augmentation de… 400%!

Recours

Cette vertigineuse et abrupte hausse des tarifs, décidée par une recommandation de la Cour des comptes, (lire ci-contre), a des conséquences catastrophiques sur l’économie. Tant les patrons de bistrots que les cirques, mais aussi OrangeCinéma, les Fêtes de Genève, enfin toutes les personnes qui doivent payer une taxe pour empiéter sur la chaussée et le trottoir s’inquiètent de leur avenir. «Nous avons écrit notre indignation au Département du magistrat Luc Barthassat, qui gère les taxes d’empiétement, tonne Alain Pirat secrétaire général de la société suisse des entrepreneurs. La Cour de comptes demandait une hausse des tarifs de 45% en fonction du coût de la vie. Or, pour les chantiers, l’augmentation est de 400%! Cherchez l’erreur…»

Répercussions

Concrètement, quelles seront les répercussions? «Le prix de la construction risque de grimper, pointe Alain Pirat. Il va y avoir immanquablement un problème sécuritaire pour payer moins longtemps l’espace public. Les entrepreneurs préféreront organiser plusieurs navettes avec les camions pour minimiser les coûts. Ils limiteront aussi le stockage des matériaux. Bref ce n’est pas acceptable de mettre le tarif du trottoir au niveau des loyers de bureaux au centre-ville, soit grosso modo 5000 francs pour un empiétement d’un mois!»

Bistrots, cirques

Les patrons de bistrots tremblent aussi: «Selon le secteur de la Ville, avec une augmentation de près de 44%, il sera difficile de pouvoir s’en sortir financièrement, redoute un tenancier de Plainpalais. Je payais 9000 francs par an de taxe pour ma terrasse, je vais devoir débourser près de 12’600 francs!» Il rappelle dans la foulée que les terrasses fonctionnent pour la plupart presque toute l’année depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

Bientôt la fin?

De leur côté, les propriétaires de cirques sont choqués. Principalement les petits, comme Starlight ou les plus grands, comme Nock. « Pour trois semaines de représentations sur la plaine de Plainpalais, nous devions payer 21’885 francs, relève un responsable de Nock. Fin 2014, la Ville de Genève nous a annoncé la couleur. La prochaine douloureuse sera de 31’454 francs. Soit une augmentation de 43%! Il sera difficile pour nous d’honorer cette très lourde facture, surtout en cette période de crise.» Du coup, les dirigeants du cirque Nock hésitent à revenir à Plainpalais…

De leur côté, les petits commerçants crient aussi à l’injustice: «Comment supporter une telle hausse en pleine période de crise! Comment L’Etat ose-t-il lorgner sur les sous des petites gens? C’est pitoyable… analyse dépité un maraîcher de Plainpalais, qui a pignon sur la plaine depuis 30 ans. Si l’Etat voulait nous couler, il ne s’y prendrait pas autrement!»

Les tarifs étaient inchangés depuis 26 ans

ChZ • «Cette hausse des tarifs du domaine public répond à une demande de la Cour des comptes, établie à l’attention de la Ville de Genève dans son rapport daté d’octobre 2010», détaille Jean-Marc Roosens, directeur de l’entretien des routes à la direction générale du génie civile. Par ailleurs, il rappelle que le coût de l’utilisation du domaine public n’avait pas changé en 26 ans. «Depuis 1988, l’indice genevois des prix à la consommation n’avait jamais été ajusté», poursuit-il. Par ailleurs, en un quart de siècle, notamment depuis l’interdiction de fumer dans les établissements publics, la Ville de Genève a nettement plus de demandes d’utilisation du domaine public. En revanche, si le prix des chantiers est plus important, c’est parce que le Département de l’environnement, transport et agriculture, chargé de modifier le règlement, a dissocié les durées des emprises sur la chaussée. Le but? Limiter dans le temps l’encombrement du domaine public. En deux mots, moins longtemps durera le chantier, mieux se portera la circulation! Enfin le nouveau règlement stipule que dorénavant, les tarifs seront adaptés tous les cinq ans à l’évolution du coût de la vie.