«Un troisième semi-confinement pourrait forcer des entreprises à mettre définitivement la clé sous la porte»
Giovanni Ferro-Luzzi, professeur d’économie
L’enfer en 2020, le paradis en 2021? Oui et non. Oui, car l’arrivée des vaccins est une excellente nouvelle pour l’économie genevoise. Non, car la menace d’une troisième vague impliquant de nouvelles mesures sanitaires reste bien réelle. C’est donc l’incertitude qui dominera ces prochains mois comme le souligne Giovanni Ferro-Luzzi, professeur d’économie à la Haute école de gestion (HEG) et à l’Université de Genève (Unige): «Plusieurs instituts de prévision tablent sur un retour à la croissance pour 2021 entre 3% et 5% pour la Suisse. A Genève, la situation de confinement pourrait se traduire par une reprise d’activité plus forte, mais trop d’inconnues subsistent encore pour déterminer l’avenir économique du pays et du canton.»
Dans ses dernières prévisions, la Banque cantonale de Genève (BCGE) estime que le PIB genevois devrait connaître un rebond de 4% cette année. Tout en rappelant que la situation reste très contrastée. Un avis partagé par Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois et de Genève Tourisme: «L’incertitude quant à l’avenir reste importante et les vagues successives impactent directement la consommation et les entreprises. Il est difficile de dire comment se passera le rebond et le temps qui sera nécessaire pour trouver une certaine stabilité.»
Quelle situation sanitaire?
On l’a vu avec la première, puis la deuxième vague, l’économie est intimement liée à la situation sanitaire et aux décisions des autorités pour juguler la pandémie. L’arrivée imminente des vaccins s’apparente donc à une bonne nouvelle comme le confirme Sophie Dubuis: «Bien sûr, les vaccins auront un impact sur le rebond économique, mais l’incertitude reste entière quant au niveau d’assurance de protection alors que le virus a déjà muté. Les gestes barrières et une prudence de chacun restent des éléments très importants. Et le resteront sans doute encore longtemps. D’ici à ce rebond, on ne sait également pas combien d’entreprises auront disparu et combien d’emplois seront touchés.»
Véronique Kämpfen, directrice de la communication au sein de la Fédération des entreprises romandes, nuance: «Les vaccins auront évidemment un effet positif sur l’économie. En termes de délais, le processus devrait prendre environ six mois. La vaccination est de compétence cantonale. Si plusieurs cantons ont déclaré être prêts pour des vaccinations de masse, comme Zurich, Bâle-Ville ou Nidwald, ce n’est pas le cas partout. La difficulté logistique est grande, ne serait-ce qu’en termes de personnel médical disponible en suffisance pour effectuer ces vaccinations à grande échelle.»
Craintes de nouvelles fermetures
Ce qui revient donc à dire que les premiers mois de cette année resteront compliqués d’un point de vue sanitaire et donc économique. Avec le spectre d’une troisième vague et donc de nouvelles fermetures imposées. Giovanni Ferro-Luzzi met en garde: «Un troisième semi-confinement pourrait forcer de nombreuses entreprises genevoises actives dans la restauration, la culture ou les spectacles à mettre définitivement la clé sous la porte. Le e-commerce profite pleinement de la crise et peut créer des habitudes de consommation défavorables au commerce traditionnel.» Poussant ainsi de nombreux petits commerces à devoir fermer boutique et donc à licencier leurs employés.
Sur le front de l’emploi justement, les prévisions restent aussi incertaines: «Le taux de chômage genevois est passé de 3,9% en 2019 à 5,2% avant la fermeture de novembre, soit le taux le plus élevé de Suisse, rappelle Sophie Dubuis. Il augmentera certainement en 2021.» Giovanni Ferro-Luzzi abonde dans ce sens: «Malheureusement, les entreprises dans les secteurs les plus touchés vont devoir procéder à des ajustements de leur force de travail. De même, l’embauche ne sera pas très dynamique en raison de l’incertitude ambiante.» L’incertitude, toujours l’incertitude.