«Un vrai dépotoir qui met surtout en danger notre santé ainsi que celles de la faune et de la flore aquatique»
Michel Enggist, collaborateur à la direction générale de l’eau au Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA)
«Il y avait une brouette qui bloquait la canalisation, je n’en revenais pas! Les ouvriers du chantier du CEVA l’avaient enterrée par mégarde lors des installations définitives en sous-sol. J’ai cru rêver lorsque j’ai dû ressortir ce gros engin!» Paul*, agent d’entretien des canalisations aux Services industriels de Genève (SIG), se charge du nettoyage des égouts du canton depuis des années. Jamais il n’aurait imaginé qu’un tel objet puisse obstruer un collecteur d’égout. «Mes moissons quotidiennes vont plutôt des tampons et serviettes hygiéniques aux collants des dames», rigole-t-il, presque blasé par autant de comportements irresponsables des citoyens, qui balancent tout et n’importe quoi dans les toilettes.
Pas de pitié pour nos canalisations
«Dans les WC, mais aussi dans les grilles d’égout, pointe Michel Enggist, collaborateur à la direction générale de l’eau au Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA). J’ai pour ma part le souvenir d’avoir récupéré de gros outils de chantier qui bouchaient les canalisations. Ils ont été oubliés lors des remblaiements après un ouvrage. Nous avons aussi trouvé des cartes de crédit, des téléphones portables, des bouteilles en pet, etc., bref, plein d’objets hétéroclites qui, in fine, polluent le lac Léman, le Rhône et l’Arve!»
«Un vrai dépotoir qui met surtout en danger notre santé ainsi que celle de la faune et de la flore aquatiques», poursuit Michel Enggist. Car outre les objets tant insolites que surprenants, on trouve aussi dans nos égouts nourriture, huile de friture et de vidange, produits de nettoyage chimiques, mais aussi médicaments, mégots et drogue.
Egouts du paradis
Au palmarès des objets les plus insolites retrouvés dans les égouts, il y a la découverte, en 2017, de liasses de billets stagnant au fond des toilettes d’une célèbre pizzeria et de deux établissements du Molard. En tout, des dizaines de milliers d’euros en coupures de 500 euros déchirées ou découpées aux ciseaux! L’information avait défrayé la chronique en provoquant un buzz international. Les gros titres de la presse d’alors: «En Suisse, on jette l’argent par les toilettes»; «Argent sale pour égouts en or»; «Un pactole au fond de la cuvette».
Campagne «Oh mon eau!»
Avec humour ou non, le DETA a lancé mi-avril une vaste campagne de sensibilisation: «Il est malheureusement facile de polluer, mais bien plus compliqué de rétablir la qualité de l’eau et de gérer les conséquences sur la faune et la flore aquatiques», constate le magistrat Luc Barthassat, conseiller d’Etat en charge dudit département à l’origine de cette initiative. La campagne intitulée Oh mon eau! vise à encourager les comportements respectueux à l’égard de l’eau et à donner des recommandations afin que la population adopte une attitude aqua-responsable, notamment celle de récupérer les huiles de vidanges (camping-car), les produits chimiques, de jardinage, de bricolage ou de piscine dans les lieux appropriés. Plus généralement, elle conseille de ne pas jeter les mégots dans les grilles d’égout, les déchets plastiques dans les cours d’eau, les médicaments dans les toilettes et de l’huile alimentaire dans l’évier. Pour être clair: n’en jetez plus!
* Nom connu de la rédaction