– GHI: Quel est votre rapport au pouvoir?
Olivier Jornot (OJ): J’en ai beaucoup et peu à la fois! Je ne traite pas toutes les procédures, rassurez-vous! [sourire…]. Quarante-trois procureurs planchent sur les dossiers. Ils prennent l’essentiel des décisions, en toute indépendance. Je n’exerce pas un pouvoir absolu, comme on peut le penser à tort. Me reviennent les décisions en matière d’organisation et de politique pénale.
– Pierre Bayenet (PB): Le pouvoir est une responsabilité qui doit être assumée pour rendre service aux citoyens. Il doit être exercé dans l’intérêt commun. Utilisé de manière égoïste, il perd tout son sens.
–Quels sont l’atout et le défaut de votre adversaire?
– OJ: Son indépendance, la liberté de ses réflexions et le fait qu’il ne soit pas instrumentalisé, sont sans doute des atouts. En revanche, sa vision du monde et du rôle du procureur général sont angéliques.
– PB: L’atout majeur d’Olivier Jornot c’est qu’il est déjà en place. Son défaut? Il a une position trop idéologique et rigide qui ne s’adapte pas à la réalité du terrain.
– La politique du «tout prison» est-elle encore d’actualité à l’heure où Champ-Dollon est saturée?
– OJ: Il n’y a pas de «tout prison», mais simplement l’application de la loi. Les gardiens et les détenus paient actuellement des décennies d’inaction de l’Etat en matière de planification carcérale. Avec le conseiller d’Etat Pierre Maudet, nous avons serré la vis et mené des actions plus fortes face à la délinquance. Cette politique porte ses fruits, puisque nous assistons à une baisse conséquente des vols, des agressions et des cambriolages. Certes, cela s’est répercuté à Champ-Dollon, mais qui préfèrerait remettre les délinquants dans la rue? Pas moi!
– PB: La politique du tout répressif, menée par le procureur général, est complètement à côté de la plaque. En mettant en prison des gens qui n’ont rien à y faire, Olivier Jornot engorge le système carcéral et permet à ceux qui devraient y être enfermés de passer entre les mailles du filet.
– Incarcère-t-on réellement des citoyens pour des délits mineurs, comme des infractions routières ou des factures impayées?
– OJ: Non. C’est un pur mensonge d’affirmer que nous mettons en prison des femmes de ménage au noir ou un Genevois qui n’a pas payé ses impôts! Mais il est vrai que Genève pratique depuis l’an dernier une politique rigoureuse envers les délinquants multirécidivistes sans titre de séjour, et donc en infraction à la loi fédérale sur les étrangers (LETr). Nous n’attendons pas qu’ils dealent ou arrachent un sac avant de les interpeller. Cette politique ferme, mais strictement conforme au droit, nous a permis de lutter efficacement contre ces récidivistes. Notre canton connaît effectivement une baisse du nombre des délinquants qui pourrissent la vie des citoyens.
– PB: Je maintiens que trop de détenus sont enfermés à Champ-Dollon pour des délits mineurs. Il faut, par exemple, arrêter d’arrêter les petits trafiquants de drogue ou les sans-papiers pour des infractions à la Loi sur les étrangers (LEtr). Surtout, on manque de statistiques précises et crédibles pour pouvoir analyser démocratiquement la situation à Champ-Dollon et tenter de résoudre sa crise de surpopulation.
– Etes-vous plutôt Me Vergès, à la rescousse des indéfendables ou Me Bonnant maîtrisant l’art oratoire?
– OJ: Je rappelle qu’avant d’être procureur général, j’ai été avocat durant quinze ans. J’ai pratiqué Me Bonnant et je reconnais qu’il est plus mon modèle que Me Vergès. En matière d’art oratoire, c’est une icône…
– PB: Suis-je plutôt Me Vergès ou Me Bonnant? Je suis très éloigné de l’un et de l’autre. J’admire l’engagement du premier et l’art oratoire du second. Mais tout cela doit être mis au service de la lutte contre l’injustice. C’est mon idéal.
– Avez-vous déjà commis un délit?
– OJ: Des amendes d’ordre et des contraventions… En matière de circulation routière [pause et sourire], et une fois pour des voies de fait*.
*Olivier Jornot a été condamné en 2004 par ordonnance pénale dans le canton de Vaud, à 1000 francs d’amende pour voies de faits. En 2003, il a eu une altercation avec deux piétons qui l’accusaient de rouler trop vite dans le parking d’un supermarché vaudois.
– PB: Je n’ai jamais commis de délit. Mon casier judiciaire est absolument vierge et ne compte aucune condamnation inscrite qui aurait été effacée au cours des ans.