«Pour une panne, on a fait appel à une entreprise vaudoise pour venir à Genève»
Ivano Bisetto, patron d’Auto Secours
Il y a encore quelques années, on croisait fréquemment au centre-ville des dépanneuses en train d’enlever des voitures mal stationnées. Aujourd’hui, surtout le soir, c’est l’anarchie qui règne le plus souvent dans les rues et sur les trottoirs des quartiers, comme du côté des Eaux-Vives et des Pâquis. Faute de places de parc, les voitures sont et restent mal parquées. Parfois «bûchées» mais beaucoup moins embarquées par les dépanneuses qu’auparavant. Tant mieux pour les automobilistes et tant pis pour la sécurité avec des véhicules garés parfois sur des lignes jaunes empêchant toute visibilité.
Fin du monopole
Comment et pourquoi est-on parvenu à une telle situation? Le major Patrick Pulh, chef de la police routière, reconnaît que «la priorité de la police se concentre sur les véhicules engendrant une mise en danger». Question de priorité effectivement dans un corps qui a d’autres chats à fouetter et où, selon la RTS, il manque tout de même 700 policiers. Mais ce n’est pas la seule explication. Il faut savoir que depuis 2018, le marché des enlèvements de véhicules, sur demande de la police (mauvais stationnement et accident), a changé suite à des recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci a dénoncé une situation de quasi-monopole dans le secteur. Un appel d’offres a été lancé en 2017.
Chiffres gonflés
Des entreprises y ont vu un marché juteux avec les chiffres donnés par l’administration dans l’appel d’offres. C’est ainsi que l’on a «appâté» les soumissionnaires avec 7300 interventions en 2014, 5800 en 2015 et 6800 en 2016. Seulement voilà. Les chiffres enregistrés depuis lors n’ont plus rien à voir avec ceux de l’appel d’offres. Depuis le début 2019, on en est en effet à 400 par mois. Et l’on devrait ainsi, par projection, approcher les 4800 interventions pour cette année. Seulement.…
«Il est certain que nos interventions, la plupart sur des accidents, sont bien en dessous de ce qui était prévu», commente un dépanneur de la place ayant obtenu une part du marché avec quatre autres entreprises. Et de critiquer le système actuel par secteur géographique et par tournus, «sans aucune logique». «Il est arrivé qu’une voiture soit enlevée par l’un de nos concurrents basé à des kilomètres alors qu’elle se trouvait à 100 mètres de notre garage…» Le professionnel dénonce cette «absurdité». Il n’est pas le seul. Ivano Bisetto, patron d’Auto Secours, détaille le cas de ce bus en panne qu’il a fallu remorquer avec un véhicule spécial. «Il a été fait appel à une entreprise vaudoise pour venir à Genève. En termes d’attente et d’impact écologique, on ne fait pas mieux!»
Un logiciel choisit
Pour clarifier la situation, le major Pulh précise en premier lieu que les chiffres annoncés dans l’appel d’offres ne peuvent être comparés avec ceux de 2019. Pourquoi? Parce que ceux donnés à l’époque correspondaient aux nombres d’occurrences pour des cas d’enlèvements de voitures. «Cela signifie qu’il pouvait y avoir plusieurs appels pour un cas d’enlèvement», poursuit-il. Pour le reste, le chef de la police routière explique que c’est désormais un logiciel et non un opérateur de la centrale d’alarme qui choisit le dépanneur: «Le système mis en place a connu quelques petits problèmes au début. Mais ce qui est certain, c’est qu’il est plus équitable par rapport à la situation d’avant 2018.» Seule exception à la règle: les dépannages sur l’autoroute. Là, c’est la police qui choisit le dépanneur: «on privilégie l’accessibilité». C’est encore une chance. Parce qu’un accident sur l’autoroute de contournement paralyse en moins de deux toute la circulation dans le canton.