Explosion de chambres sous-louées

• Phénomène qui se développe de manière spectaculaire: les petites annonces de sous-location explosent, surtout sur le net.
• Les adeptes de ce marché noir sont souvent des parents solos et retraités qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts.
• Les fraudes des marchands de sommeil progressent en l'absence d'autorité de surveillance.

  • Les fraudes des marchands du sommeil perdurent.. en l'absence de surveillance.

    Les fraudes des marchands du sommeil perdurent.. en l'absence de surveillance.

La location des chambres individuelles chez le particulier explose! Même si aucune donnée officielle n'est disponible, les professionnels sont catégoriques. Chez ricardo.ch, on soutient qu'en un mois, c'est spectaculaire. «Si nous comparons nos chiffres actuels – environ 280 chambres à louer – avec les chiffres de décembre 2012 – environ 100 chambres – nous constatons une augmentation de 280%», relève Barbara Zimmermann, chargée de communication de la plate-forme de petites annonces. Des statistiques qui prennent l'ascenseur en ce début d'année et qui ne diminueront sans doute pas. «Les chambres à louer sont plus nombreuses à Genève qu'ailleurs en Suisse, lance Frédéric Monnard, fondateur du site Petitesannonces.ch. Le pic de ce type de publication augmente réellement, en août et en septembre, au moment de la rentrée scolaire.» Autre phénomème: «Les adresses IP des personnes qui répondent aux annonces pour les chambres à louer viennent surtout d'Espagne et du Portugal. Il s'agit de personnes qui cherchent un toit provisoire le temps de trouver une situation stable dans la région. Et une fois qu'ils ont un travail durable, ils abandonnent la colocation.»

Pas de logements abordables

Bon. Et l'annonceur, lui, qui est-il? Pour la plupart, des personnes qui n'arrivent pas à joindre les «deux bouts». Comme des parents solos et des retraités, notamment, qui ont toutes les peines du monde à retrouver un logement plus petit et à un prix abordable. «Que l'on soit clair, tonne Anna, séparée et maman d'un petit garçon. J'ai cherché à échanger mon 5 pièces contre un 4 pièces. Impossible, le loyer dépassait le mien et, en plus, les exigences des régies sont telles que j'ai bâché. Un seul salaire ne suffit plus…» Elle décide de louer une de ses chambres à un étudiant. «Il est content. Et moi aussi!» Idem pour Ginette, une fringante grand-mère, veuve: «J'héberge deux stagiaires, un Espagnol et un Grec, dans les anciennes chambres de mes enfants, avoue-t-elle. Ils sont adorables et cet argent me permet de payer, enfin, mes frais de santé… Et puis, je me sens tellement plus en sécurité.»

Régies impuissantes

Crise immobilière et manque de logements accessibles pour tous. Telles sont les principales causes de ces sous-locations. Mais pas seulement. Il y a aussi ceux qui abusent de la détresse humaine. Comme ce Monsieur qui lance sans sourciller: «J'offre le loyer de mon studio contre des relations intimes». Ou ces autres annonces, affichant des chambres louées entre 700 et 1100 francs. Pour quoi? Pour vivre, avec une dame et sa fille dans une chambre d'un 3 pièces et demi. Ou se partager à deux une chambrette. L'homme au bout du fil n'est pas tranquille. «Vous avez intérêt à vous entendre avec l'autre dame. Mais vous pouvez la prendre seule, si vous avez l'argent!»

Loi du silence

Qui surveille ces locataires «indélicats»? Les régies. Point. (voir ci-dessous). Pour la régie Grange et Cie, «la location d'une chambre pose problème lorsqu'elle est effectuée à des fins d'enrichissement personnel, déclare Béatrice Grange, porte-parolede la régie Grange et CIE et vice-présidente de l'Union suisse des professionnels de l'immobilier (USPI). Le protocole exige de l'annoncer au moins au bailleur. Mais en réalité, la loi du silence règne.» La sous-location de chambres chez l'habitant a encore de beaux jours devant elle…

 

Logements sociaux commercialisés

SZ • Des logements sociaux commercialisés en toute impunité? C'est la nouvelle tendance à la hausse en vigueur sur le marché des chambres à louer. «Nous relevons plus de cas de sous-location abusive au sein de la Gérance immobilière municipale (GIM)», informe Sandrine Salerno, conseillère administrative en charge du Département des finances et du logement. Pourquoi prendre le risque de sous-louer un bien subventionné et par conséquent, contrôlé, par l'Etat? «La crise du logement qui règne à Genève est un facteur explicatif, détaille Sandrine Salerno. Il n'y a tout simplement pas assez de logements abordables sur le marché pour les personnes en situation de précarité.» Et de préciser: «Il ne s'agit pas seulement de sans-papiers, mais aussi de travailleurs en situation régulière.»