Faillites: la guerre des chiffres

  • Selon le site PilierPublic.com, les entreprises genevoises ayant mis la clé sous la porte ont augmenté de 42,1% en un an.
  • Ce que conteste formellement le Département des finances. Qui dit vrai?
  • Une chose est sûre: les petites sociétés souffrent.

  • Quand la conjoncture est mauvaise, les petites entreprises sont les plus vulnérables. 123RF/MAVOIMAGE

    Quand la conjoncture est mauvaise, les petites entreprises sont les plus vulnérables. 123RF/MAVOIMAGE

«L’Office de la statistique présente généralement des résultats avec plus d’une année de retard»

Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur du site PilierPublic.com

Les entreprises genevoises souffrent. Durant le premier semestre de cette année, le nombre de faillites aurait augmenté de 42,1% comparé à la même période douze mois auparavant. C’est ce qu’annonce Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur du site PilierPublic.com: «Au premier semestre de cette année, nous avons comptabilisé 391 avis d’ouverture et suspension de faillite contre 275 durant les six premiers mois de 2018.»

Ce que conteste formellement Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat en charge du Département des finances (DF): «Au contraire, depuis le début de cette année, la hausse des faillites s’est très nettement ralentie. Nous constatons même une baisse de 10% des nouveaux dossiers qui parviennent à l’Office cantonal des faillites.»

Comment expliquer cette différence d’appréciation? Guilhem Tardy a son idée sur la question: «Je doute que le Département des finances reçoive aussi rapidement que nous les dernières statistiques. Selon mon expérience, l’Office de la statistique présente généralement ses résultats avec plus d’une année de retard.»

Climat morose

Sans prendre position dans cette bataille de chiffres, Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois, constate également une détérioration de la marche des affaires: «La globalisation de l’économie avec des grandes entreprises de plus en plus fortes rend la concurrence souvent acharnée et représente une pression supplémentaire pour les petites sociétés. Les entreprises individuelles sont les premières à faire les frais des mauvais payeurs et ont peu de moyens de résister dans les moments économiquement les plus difficiles, comme c’est le cas ces dernières années. La digitalisation joue aussi un rôle dans ce phénomène de croissance des faillites.» Avant de nuancer: «Il faut encourager l’esprit d’entreprenariat en Suisse pour garder l’impulsion créatrice et l’innovation au sein du marché. Il faut aussi noter que dans d’autres pays, une faillite ne représente pas un échec et fait partie intégrante de la vie économique.»

Bol d’air

Au-delà des statistiques, la conjoncture pour les petites entreprises reste donc extrêmement tendue. Même si la mise en application de la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) prévue au 1er janvier 2020 représentera un bol d’air pour les PME selon Nathalie Fontanet: «L’allégement des charges grâce à la baisse du taux d’imposition aura un impact positif sur toutes les entreprises genevoises qui enregistrent régulièrement des bénéfices imposables. Cela va redonner du souffle à l’économie du canton et renforcer son attractivité pour les sociétés qui hésitent à se délocaliser. Cependant, la réforme ne constitue pas un antidote aux difficultés inévitables qui attendent certaines structures en manque chronique de liquidités, sous-capitalisées ou mal gérées.»

Reste à espérer que la réponse cantonale, en plus de favoriser l’économie locale, permettra aussi de gommer les différences d’appréciation sur le nombre de faillites entre le secteur public et le secteur privé.

Records inquiétants

En 2018, le nombre d’ouvertures de procédures de faillite dans l’ensemble de la Suisse a augmenté de 5,4% pour s’établir à 13’971 cas. Un record! Quant aux pertes financières qui en découlent, elles se sont élevées à plus de 2 milliards de francs selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Ce dernier rappelle que Genève fait figure de mauvais élève avec une hausse constatée de 16,5% du nombre de faillites. Les hausses sont plus modérées dans d’autres cantons comme Fribourg (+8,2%), Berne (+9,6%) et Neuchâtel (+15,7%). Cependant, le nombre de faillites a baissé dans quatre cantons, à savoir Zurich (-1,2%), Zoug (-3,9%), Vaud (-4,1%) et Appenzell Rhodes-Extérieures (-15,5%). Au niveau national et genevois, la situation reste néanmoins spécialement inquiétante. En effet, année après année, le nombre de faillites et les pertes financières qui en découlent ne cessent de prendre l’ascenseur.