Faux résidents secondaires: «Des fantômes qui coûtent cher»

- De nombreux Genevois vivent dans une résidence principale de l'autre côté de la frontière sans se déclarer.
- Selon le Groupement transfrontalier européen (GTE), ces milliers de resquilleurs plombent les finances des communes françaises.
- Les enquêtes de domiciliation sont difficiles pour débusquer les fraudeurs.

  • De nombreux Genevois habitent en France voisine sans être déclarés.

«J'habite en France voisine sans être déclaré.» Selon le Groupement transfrontalier européen (GTE), ils sont plusieurs milliers de resquilleurs dans cette situation. Résultat des courses, aujourd'hui ce sont les communes frontalières qui se plaignent d'un manque à gagner. «Les Suisses qui se déclarent en résidence secondaire en France alors qu'ils y résident de façon permanente grèvent le budget des communes françaises, en Haute-Savoie comme dans le Pays de Gex,» dénonce François Meylan, maire de Ferney. En jeu: de gros problèmes d'organisation de classes scolaires, de places de crèches, de voirie et autres dimensionnement de services à la population.

Traque aux fraudeurs

A Ferney, le dernier recensement qui date de ce début d'année, fait apparaître 15% de fraudeurs. Du côté de Divonne, le député-maire Etienne Blanc estime pour sa part à 10% de la population les faux résidents secondaires.Pour les municipalités, le manque à gagner est énorme. C'est pour cela qu'elles lancent régulièrement des campagnes incitant les «plaques suisses» à assumer leur changement d'adresse. En vain. Si le phénomène n'est pas nouveau, aujourd'hui rien ne semble être mis en place pour débusquer les fraudeurs. Des deux côtés de la frontière, tant les douanes que le fisc annoncent ne pas se préoccuper particulièrement de ces cas (lire encadré). A Genève, l'Administration fiscale admet également que ce n'est pas sa priorité: «Nos investigations sont déclenchées sur dénonciations ou si nous constatons des cas suspects», relève Henri Roth, son porte-parole.

Impunité

Pourtant, en 2011, la Commission sécurité et réglementation générale du Comité régional franco-genevois annonçait qu'elle allait mettre en place des procédures pour débusquer ces Genevois fantômes. Qu'en est-il? «Les fraudeurs sont impunis parce qu'il est interdit de croiser les données du recensement avec celles des services fiscaux, poursuit le maire de Ferney. Les personnes qui habitent en Suisse, si elles déménagent d'une commune à une autre, doivent se déclarer. En revanche, en France il est interdit de demander un enregistrement.»

Négligence

Le maire détaille encore: «La plupart des fraudeurs débusqués se justifient en arguant que leur métier en Suisse les empêche d'avoir une adresse en France. Il y aussi ceux qui ne souhaitent pas exhiber des plaques françaises à cause des pressions politiques sur les frontaliers. Enfin, il y a également une partie des gens qui agissent par négligence. D'autres qui habitent un logement subventionné par l'Etat de Genève et le sous-louent illégalement au prix non subventionné.

Deux tableaux

«C'est un ensemble de petites situations comme celles-ci qui font qu'environ 10% des Suisses en région frontalière jouent sur les deux tableaux», conclut le maire ferneysien avant de rappeler: «Il existe pourtant des moyens pour déterminer si quelqu'un habite un logement à l'année. Pour le savoir, il suffit de contrôler la consommation d'eau, d'électricité et les fais de téléphone. Le problème c'est qu'on n'a pas le droit de le faire!»

Page réalisée en collaboration avec Hebdo01

Pour les douanes, ce n'est «pas une priorité»

BD/ ChZ • Pister les Suisses «fantômes» qui rentrent tous les soirs dormir impunément côté français, est-ce une mission qui incombe aux douanes? Oui, répondent en chœur du côté français Gaëlle Bidault et Alain Court; l'adjointe à la Direction et chargée de communication aux Douanes du Léman. Tous deux admettent qu'il y a de la fraude concernant le dédouanement des véhicules. Pour sa part, le Secrétaire régional Force Ouvrière des Douanes du Léman, également côté français, reconnaît que les agents essayaient auparavant de les pister. Mais, la tâche est devenue telle, que, par manque d'effectifs, les gardes-frontière préfèrent mettre leurs forces sur les contrôles liés à la délinquance: «La question qui s'impose aujourd'hui est de savoir si c'est encore une mission douanière», regrette Alain Court. Même son de cloche pour Gaëlle Bidault, qui rappelle que les douaniers sont confrontés à un trafic important qui concerne surtout les stupéfiants et l'évasion fiscale: «On a de plus en plus de mal à effectuer nos missions prioritaires!» En Suisse, les douanes reconnaissent ne faire de nos jours plus aucun contrôle: «Du moment que le fraudeur paie ses impôts en Suisse, on ne va pas se soucier du lieu où se trouve son vrai logement», précise pour sa part Beat Eyer, chef de section à la direction des douanes romandes.