Féministes radicales: le mal dominant

  • Le vendredi 14 juin, les femmes défileront en Suisse en faveur de l’égalité entre les sexes.
  • Problème, les hommes seront relégués au second plan. Une discrimination revendiquée par les organisatrices.
  • Souvent radicales, injustes et exclusives, les féministes agacent. Même dans leurs rangs. Notre dossier.

  • Les hommes sont les bienvenus aux manifestations le 14 juin, mais les femmes seront en tête de cortège. 123RF/INKDROP

    Les hommes sont les bienvenus aux manifestations le 14 juin, mais les femmes seront en tête de cortège. 123RF/INKDROP

«Le ton autoritaire, parfois agressif, de certaines militantes est rédhibitoire»

Stéphanie Pahud, linguiste et féministe

L’hystérie qui domine le débat public en matière d’égalité des sexes n’est bénéfique à personne. D’un côté, des féministes avides de revanche qui radicalisent leur discours. De l’autre, des hommes qui se sentent injustement jetés en pâture. Les slogans habituels seront certainement scandés dans les rues des villes suisses le vendredi 14 juin. On y criera que les femmes meurent sous les coups de leur mari, que les inégalités salariales sont de 20% et qu’il faut prôner l’écriture inclusive pour se sortir de ces injustices issues de nos sociétés trop patriarcales.

Hommes bienvenus, mais...

Oui, mais la réalité est plus complexe. Il ne faudrait pas se laisser aveugler par le vacarme incessant d’une minorité de féministes revendiquant tout et n’importe quoi. D’autant que lorsqu’il s’agit de proposer un meilleur vivre ensemble, elles décident de reléguer les hommes au second plan. En matière de symbole, on a connu mieux. «Les hommes sont aussi les bienvenus le 14 juin, corrige Marianne Mure Pache, responsable de la marche au niveau genevois. En tête de cortège, il y aura cependant des femmes car c’est leur manifestation. Notre but est de créer un espace de parole.»

Ton agressif

D’accord. Mais sans oublier que, selon un sondage réalisé par le quotidien 20 Minutes, seulement 18% comptent manifester le 14 juin. En outre, on y apprend qu’une majorité de la population de 53%, femmes et hommes confondus, estiment que les femmes ne sont pas discriminées en Suisse.

Même Stéphanie Pahud, linguiste et féministe convaincue, ne partage que moyennement la symbolique de cette grève des femmes du 14 juin: «C’est une action symbolique importante mais les modalités de sa diffusion me dérangent. Certaines formulations, par exemple, ont créé de l’ambiguïté autour de la participation des hommes.» Avant d’ajouter: «Le ton autoritaire, parfois agressif, de certaines militantes est pour moi rédhibitoire.»

Egalité à géométrie variable

Autre argument massue jeté à la figure des hommes: l’inégalité salariale. Que disent les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS)? Que l’écart est de 18,3% si l’on prend les hommes et les femmes dans leur ensemble. En revanche, quand on compare des profils similaires (formation, niveau hiérarchique, âge, expérience…), l’écart «inexpliqué» chute brutalement à 8%.

S’il reste du chemin à parcourir, l’injustice est bien moindre qu’annoncée. Ce qui ne convainc pas Maria Pérez, conseillère municipale d’Ensemble à Gauche en Ville de Genève: «Notre système économique et social est basé sur l’exploitation des femmes, sur leur double journée de travail, le travail domestique et gratuit sans lequel notre société ne tournerait pas. Cerise sur le gâteau, le Conseil fédéral revient maintenant avec le projet très inégalitaire d’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes.»

L’égalité donc, mais à géomètre variable. Sinon comment expliquer la levée de boucliers des féministes quand il s’agit d’aligner l’âge de départ à la retraite entre les hommes et les femmes? Et la liste des revendications féministes ne s’arrête pas là. Il y a aussi le délire de l’écriture inclusive où le terme «citoyens» devient «citoyen(ne)s». Stéphanie Pahud nuance: «Il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour la langue française. C’est surtout un laboratoire de luxe pour saisir les relations entre langage, identité(s) et idéologies. Si l’écriture inclusive est brutalement rejetée par les esprits conservateurs, c’est en raison de sa portée subversive. Elle dérange l’ordre établi.»

Idéologie anticapitaliste

Mais l’égalité entre les hommes et les femmes ne serait-elle pas finalement un prétexte pour faire passer d’autres idées? Le manifeste rédigé par les Collectifs romands pour la grève féministe et des femmes interpelle. On peut y lire que «l’économie capitaliste veut maximiser les profits au détriment de l’être humain». Fourre-tout gauchiste, victimisation à outrance et discours discriminants, l’avenir proposé par certains mouvements féministes a de quoi laisser dubitatif. L’une des solutions prônées par des hommes et des femmes qui se désolidarisent du mouvement féministe, est d’appliquer l’égalitarisme. Cette doctrine prône, comme son nom l’indique, l’égalité des citoyens à tous les niveaux. Sans hystérisation et avec l’envie de rassembler plutôt que de mettre dos à dos les deux sexes.

En 1991, 500'000 femmes défilent

Le 14 juin 1991, afin de célébrer les 10 ans de l’inscription de l’égalité hommes-femmes dans la Constitution fédérale, l’Union syndicale suisse avait organisé une grève des femmes. Ce jour-là, plus de 500’000 personnes avaient défilé à travers tout le pays afin que cet article constitutionnel soit appliqué. Elles réclamaient notamment la création de crèches et de systèmes de garde d’enfant à des prix accessibles, le partage égal des tâches familiales entre les deux sexes, la protection contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et l’égalité salariale. Depuis, la journée du 14 juin est restée symbolique dans la lutte pour le droit des femmes en Suisse.