Fonctionnaires: la fin des petits-fours

- Si les caisses de pension publiques de la CIA et de la CEH ne fusionnent pas, elles risquent carrément la liquidation.
- Certes, avec cette fusion, les fonctionnaires devront, à partir de 2014, se serrer (quelque peu) la ceinture.
- Pensionnés à plus de 7000 francs par mois en moyenne (AVS + 2e pilier), après 40 ans de cotisation, ils perçoivent davantage que beaucoup de salariés en activité.

  • Une nouvelle manifestation des fonctionnaires est annoncée pour le jeudi 13 septembre.

    Une nouvelle manifestation des fonctionnaires est annoncée pour le jeudi 13 septembre.

Après quarante années de cotisations, le fonctionnaire genevois au plus bas échelon percevra chaque année pour sa retraite 26'133 francs de rente AVS, à laquelle s'ajouteront 31'645 francs de sa caisse de pension. Soit 57'778 francs. Ce qui représente 4814 francs par mois. Ce n'est pas le Pérou. Mais aucune serveuse de bar, aucun employé de station-service ne recevra jamais une aussi copieuse retraite. Quant aux hauts fonctionnaires les mieux traités de la République, ils engrangeront pendant leurs vieux jours 13'247 francs par mois. Ce qui constitue, pour un actif dans le privé, un fort beau salaire. Il ne s'agit pas de sombrer dans la démagogie. Ces personnes, au service de l'Etat et de la population, méritent leurs paies. En revanche, ces chiffres permettent de relativiser les efforts qui vont être demandés aux fonctionnaires pour assainir les caisses de pension publiques de la CIA (caisse du personnel enseignant et des fonctionnaires de l'administration) et de la CEH (caisse du personnel des établissements publics médicaux).

Une facture à 6,3 milliards

Soyons clairs: la responsabilité de la situation actuelle n'est pas à mettre sur le dos des fonctionnaires. Le grand argentier David Hiler, chef du Département des Finances, est le premier à la reconnaître: «On n'a pas assez payé depuis plus de vingt ans. Il va falloir rattraper cela pendant les quarante prochaines années.» Et qui va payer les pots cassés? D'une part, l'employeur, c'est-à-dire l'Etat, et donc le contribuable. D'autre part, les fonctionnaires. Les actifs cotiseront davantage, pour, en fin de compte, bénéficier de moins de prestations quand ils seront pensionnés.Pour faire simple, le droit fédéral, qui a changé en 2010, impose aux caisses de pension d'atteindre progressivement un taux de couverture égal à 80% de leurs engagements. La CIA (28'000 actifs pour 14'300 retraités) est en plus mauvaise posture que la CEH (15'000 actifs pour 6000 retraités). Son taux de couverture frôle dorénavant la barre des 50%. Bien évidemment, il n'est pas possible de revenir dans les clous en quelques mois, en raison de l'importance de la dette de l'Etat de Genève. L'assainissement prendra… quarante ans. Cela renvoie à l'année 2052. D'ici là, nous aurons tous, du moins les hommes, de très grandes barbes blanches. Quant à la facture, elle était estimée fin 2010, à 5,6 milliards de francs. Fin 2011, à 6,3 milliards. Aujourd'hui, certains médias avancent le chiffre de 6,8 milliards. Il y a bien le feu au lac.

Eviter la liquidation

«Avons-nous d'autre solution qu'un atterrissage en douceur, étalé sur quatre décennies? D'autant que les perspectives économiques pour les dix prochaines années ne paraissent guère réjouissantes, avec en particulier l'effritement de la place financière.», questionne David Hiler. « J'insiste beaucoup sur l'image de Genève. Ce serait désastreux d'être le seul canton suisse à ne pas être capable de résoudre ce problème et à liquider une caisse de pension. Mais j'ai confiance, la raison va l'emporter», assure-t-il.Mais comment le canton va-t-il tenir ses engagements? Il sortira 800 millions de francs en 2013 (c'est le mieux qu'il puisse faire, n'ayant une réserve que d'un milliard) et ensuite 130 millions de francs pendant quarante ans. Du moins si le Grand Conseil approuve les 13 et 14 septembre prochains, cette recapitalisation des caisses de pensions publiques. Ce qui, normalement, ne devrait pas poser de problème. Les élus, dans leur très grande majorité, malgré quelques réticences de la part des socialistes, savent qu'il n'existe pas de plan B pour sortir de la crise.

Un Etat moins généreux

IH • Le ministre des Finances ne s'est sans doute pas fait que des amis lorsqu'il a déclaré, en mars dernier, que les fonctionnaires ont longtemps eu une Rolls-Royce, ils auront dorénavant une Volvo! La réalité, c'est que l'Etat va désormais se montrer un peu pingre. D'une part, les fonctionnaires vont subir une augmentation de cotisations de 35%, normalement échelonnée sur six à huit ans. Ensuite, l'âge du départ à la retraite en bénéficiant de 100% des prestations sera retardé. Il était de 62 ans, après 38 ans de cotisation pour ceux qui dépendaient de la CIA, il va passer à 64 ans, après quarante ans de cotisation. Evolution encore plus douloureuse pour les salariés de la santé. De 60 ans après trente-sept ans et demi de cotisation, ils ne connaîtront le repos qu'à 64 ans après quarante ans de cotisation. Toutefois, la pénibilité physique du travail est reconnue pour une grande part des salariés de la santé. Ainsi, un peu moins d'un cinquième de l'ensemble du personnel pourra partir à la retraite sans réduction de rente à 61 ans. Enfin (et surtout), à l'exception des bas salaires, les fonctionnaires verront leurs pensions annuelles diminuer.