Après quarante années de cotisations, le fonctionnaire genevois au plus bas échelon percevra chaque année pour sa retraite 26'133 francs de rente AVS, à laquelle s'ajouteront 31'645 francs de sa caisse de pension. Soit 57'778 francs. Ce qui représente 4814 francs par mois. Ce n'est pas le Pérou. Mais aucune serveuse de bar, aucun employé de station-service ne recevra jamais une aussi copieuse retraite. Quant aux hauts fonctionnaires les mieux traités de la République, ils engrangeront pendant leurs vieux jours 13'247 francs par mois. Ce qui constitue, pour un actif dans le privé, un fort beau salaire. Il ne s'agit pas de sombrer dans la démagogie. Ces personnes, au service de l'Etat et de la population, méritent leurs paies. En revanche, ces chiffres permettent de relativiser les efforts qui vont être demandés aux fonctionnaires pour assainir les caisses de pension publiques de la CIA (caisse du personnel enseignant et des fonctionnaires de l'administration) et de la CEH (caisse du personnel des établissements publics médicaux).
Une facture à 6,3 milliards
Soyons clairs: la responsabilité de la situation actuelle n'est pas à mettre sur le dos des fonctionnaires. Le grand argentier David Hiler, chef du Département des Finances, est le premier à la reconnaître: «On n'a pas assez payé depuis plus de vingt ans. Il va falloir rattraper cela pendant les quarante prochaines années.» Et qui va payer les pots cassés? D'une part, l'employeur, c'est-à-dire l'Etat, et donc le contribuable. D'autre part, les fonctionnaires. Les actifs cotiseront davantage, pour, en fin de compte, bénéficier de moins de prestations quand ils seront pensionnés.Pour faire simple, le droit fédéral, qui a changé en 2010, impose aux caisses de pension d'atteindre progressivement un taux de couverture égal à 80% de leurs engagements. La CIA (28'000 actifs pour 14'300 retraités) est en plus mauvaise posture que la CEH (15'000 actifs pour 6000 retraités). Son taux de couverture frôle dorénavant la barre des 50%. Bien évidemment, il n'est pas possible de revenir dans les clous en quelques mois, en raison de l'importance de la dette de l'Etat de Genève. L'assainissement prendra… quarante ans. Cela renvoie à l'année 2052. D'ici là, nous aurons tous, du moins les hommes, de très grandes barbes blanches. Quant à la facture, elle était estimée fin 2010, à 5,6 milliards de francs. Fin 2011, à 6,3 milliards. Aujourd'hui, certains médias avancent le chiffre de 6,8 milliards. Il y a bien le feu au lac.
Eviter la liquidation
«Avons-nous d'autre solution qu'un atterrissage en douceur, étalé sur quatre décennies? D'autant que les perspectives économiques pour les dix prochaines années ne paraissent guère réjouissantes, avec en particulier l'effritement de la place financière.», questionne David Hiler. « J'insiste beaucoup sur l'image de Genève. Ce serait désastreux d'être le seul canton suisse à ne pas être capable de résoudre ce problème et à liquider une caisse de pension. Mais j'ai confiance, la raison va l'emporter», assure-t-il.Mais comment le canton va-t-il tenir ses engagements? Il sortira 800 millions de francs en 2013 (c'est le mieux qu'il puisse faire, n'ayant une réserve que d'un milliard) et ensuite 130 millions de francs pendant quarante ans. Du moins si le Grand Conseil approuve les 13 et 14 septembre prochains, cette recapitalisation des caisses de pensions publiques. Ce qui, normalement, ne devrait pas poser de problème. Les élus, dans leur très grande majorité, malgré quelques réticences de la part des socialistes, savent qu'il n'existe pas de plan B pour sortir de la crise.