Forte poussée des accouchements à domicile

La crise sanitaire a entraîné une hausse du nombre d’accouchements hors milieux hospitaliers. La peur d’être contaminé incite à vivre l’heureux événement chez soi ou en maison de naissance. Une tendance qui devrait se poursuivre après la pandémie. Notre dossier.

  • Le quatrième enfant de cette femme et de son compagnon a pointé le bout de son nez chez elle entre les mains expertes de la sage-femme romande Hélène Villars. SOPHIE ROBERT-NICOUD/WWW.SOFY.CH

    Le quatrième enfant de cette femme et de son compagnon a pointé le bout de son nez chez elle entre les mains expertes de la sage-femme romande Hélène Villars. SOPHIE ROBERT-NICOUD/WWW.SOFY.CH

«Une première naissance à la maison est un projet qui ne doit pas être seulement motivé par la peur»

Charlotte Moënnat, sage-femme

Chaque année 3 à 4% des femmes accouchent hors milieu hospitalier en Suisse. Cette statistique risque d’augmenter en 2020. Le Covid-19 a poussé davantage de futures mamans à envisager, voire à tenter, la naissance à domicile ou en maison de naissance. Des lieux qu’elles considèrent plus sécurisants dans l’actuelle ambiance anxiogène.

«Des couples qui n’avaient jamais pensé à accoucher à domicile sont passés à l’acte, le plus souvent par peur que le père ne puisse être suffisamment présent avant, pendant et après l’accouchement ou par peur d’attraper le virus à l’hôpital», résume Nathalie Luisoni. La co-présidente de la section genevoise de la Fédération suisse des sages-femmes explique ainsi que parmi les craintes exprimées par les futures mamans, l’une d’elles émanait d’une femme à qui son gynécologue demandait d’accoucher masquée et à qui certaines positions allaient être «interdites».

Des contraintes mal vécues

A l’heure où nous écrivions ces lignes, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) limitaient les visites pré et post-natales à deux heures quotidiennes et ne permettaient pas la présence du père lors de la phase de travail se déroulant hors de la salle d’accouchement. Ces contraintes, amenées à être supprimées, rebutent certains couples.

Ainsi, ces deux derniers mois, Charlotte Moënnat, sage-femme pratiquant dans les cantons de Vaud et Genève, a reçu trois demandes d’accouchement à domicile émanant de «néophytes» apeurés par le coronavirus. Elle ne les a pas toutes acceptées. «Une première naissance à la maison est un projet qui ne s’improvise pas à la dernière minute et qui ne doit pas être seulement motivé par la peur», souligne-t-elle. Il ne convient pas non plus aux grossesses à risque.

Record

Reste que ces naissances à domicile sont en hausse et on a un peu oublié qu’elles furent longtemps la norme en Suisse. A Genève, sur 120 sages-femmes, seulement cinq pratiquent à domicile. Pourtant, une progression du nombre de naissances non médicalisées est constatée depuis plusieurs années. L’Association suisse des maisons de naissance enregistrait par exemple 2151 nouveau-nés en 2019 dans ses 29 établissements. Soit 160 de plus qu’en 2018.

La Roseraie, le seul établissement de ce type du canton de Genève (après la fermeture de Dix lunes fin 2019), a enregistré un record de 94 naissances en 2019 (contre 23 en 2012). «Nous avons reçu beaucoup d’appels liés à des inquiétudes par rapport au Covid-19, mais pour des raisons de sécurité notamment, seules deux ont abouti», relève Amandine Biondi qui y travaille comme sage-femme.

Méfiance latente

«Cette tendance à la hausse devrait perdurer après la pandémie, pronostique Nathalie Luisoni. Elle pourrait d’ailleurs profiter d’une autre évolution: de plus en plus de femmes choisissent de vivre leur phase de travail physiologiquement à la maison sous la supervision d’une sage-femme avant de se rendre le plus tard possible à la maternité. Un jour, certaines d’entre elles franchiront le pas.»

Le thème des «violences obstétricales», très médiatisé ces dernières années, renforce la tendance. «Tout comme la montée d’une certaine méfiance vis-à-vis d’une partie du personnel médical, trop souvent asservi aux protocoles et qui, par l’hypermédicalisation, joue parfois au pompier-pyromane sans le savoir», conclut Laure, 39 ans, qui vient d’accoucher à la maison de naissance de Lully, le plus loin possible des tracas du Covid-19.