– GHI: Le Conseil d’Etat vous a attribué un département présidentiel taillé sur mesure...
François Longchamp: La Constituante voulait une présidence stable. Cela doit apporter une certaine traçabilité de l’action gouvernementale. Et permettre de travailler sur la durée dans nos relations avec les autres cantons, la région et la Genève internationale.
– Apporter de la hiérarchie dans un système de concordance n’est-ce pas un peu naïf?
– Le système existe à Bâle et dans le canton de Vaud, mais aussi à Appenzell ou à Glaris. Le président n’est pas supérieur à ses collègues: il veille à la cohérence du gouvernement. En tant que doyen de fonction, je sais aussi qu’il ne faut pas abuser de ses prérogatives.
– Surtout lorsqu’on ne dispose d’aucun moyen institutionnel pour contraindre le collège...
– Je fixe l’agenda du Conseil d’Etat. En théorie, je pourrais faire ce que je veux, mais cela ne tiendrait pas longtemps. Le nouveau Conseil d’Etat se veut avant tout collégial et consensuel. Il l’a démontré lors de la répartition des départements.
Durant le conclave, il a été discret; il n’y a pas eu de fuites. Il s’est aussi montré capable de consensus. Notre démocratie directe ne marche pas si une courte majorité impose ses vues à la minorité.
– Votre département présidentiel a été conçu sans tâches de politique publique, ne craignez-vous pas de manquer de travail?
– Outre la gestion et le suivi des séances du gouvernement, la présidence comprend aussi les relations extérieures avec la Genève internationale et la Confédération. Et il faudra revoir de fond en comble les relations entre communes et canton, chantier majeur que la nouvelle constitution nous impose.
– Un gouverneur du canton doit parler l’anglais pour représenter la Genève internationale et l’allemand pour imposer les intérêts genevois à Berne. Ce n’est pas vraiment votre cas?
– Je n’irai pas ferrailler en schwitzertütsch dans l’émission Arena… Mais je suis capable de faire entendre Genève à Berne, comme cela a été le cas devant la commission de gestion sur l’affaire Kadhafi. Quant à l’anglais, j’ai vécu à San Francisco.
– Quelles en seront les lignes de force de votre programme?
– Je garde la primeur pour le discours de Saint-Pierre…
– Un discours très attendu...
– Genève est à un carrefour. C’est captivant, mais on ne doit pas se tromper d’aiguillage.
– Quelles réformes allez-vous mener en priorité pour éviter un tel scénario?
– D’abord, celle de la fiscalité des entreprises. Il s’agit de sauver un système. Sinon, ce sera le déclin. Genève pourrait devenir une petite ville de province. Près de 40’000 places de travail sont directement menacées dans les multinationales, dont 58% des employés sont Suisses (contre 50% en moyenne dans le reste de l’économie). Effet collatéral, de très nombreux emplois indirects dans les PME locales disparaîtraient. Nos recettes fiscales, l’aéroport, l’Université, les hôtels, les commerces, les artisans, la vie culturelle seraient menacés. Du coup, les organisations internationales pourraient, elles aussi, s’en aller.
– D’autres défis à relever pour assurer le succès de votre législature?
– Genève compte près de 100’000 habitants de moins de 20 ans. Il faudra les loger ces 20 prochaines années, avec le soutien des communes. Il faut aussi garantir que les logements aillent bien à ceux qui en ont besoin. Et puis, il y a la répartition des tâches entre les communes et le canton (supprimer les doublons, travailler plus efficacement).
– Vous qui avez souvent invoqué le panache, l’audace ou son absence chez les hommes d’Etat, quelle sera votre méthode pour faire rêver les Genevois et leur redonner confiance dans les institutions…
– Il n’y a pas de méthode François Longchamp. J’essaie d’être cohérent pour convaincre et porter des valeurs, comme le goût de l’effort. Ma chance, c’est d’avoir une énorme liberté. Je ne suis pas élu par un lobby, je peux donc privilégier l’intérêt général et tout mettre en œuvre pour mériter la confiance des Genevois. Ils sont certes râleurs mais sages. Ils ont aussi une hauteur de vue sur les choses et les êtres.