Genève, capitale du tourisme chrétien

  • Une agence genevoise a transformé le voyage à thème religieux en filon touristique.
  • Ses secrets? Notamment le marché de niche des pèlerinages dans le monde et l’éthique avant le fric.
  • Rencontre avec un voyagiste qui considère Jésus comme son boss! Notre dossier.

  • Alexandre Python, patron de l’agence de voyages chrétienne Ad gentes, est aussi un fervent globe-trotteur ayant 70 pays à son actif. DR

    Alexandre Python, patron de l’agence de voyages chrétienne Ad gentes, est aussi un fervent globe-trotteur ayant 70 pays à son actif. DR

«Dieu m’a inspiré ce projet. S’il perdure c’est grâce à Lui et ceci me donne un grand détachement»

Alexandre Python, fondateur de l’agence de voyages Ad gentes

Le secteur des agences de voyages est aux abois et ça ne date pas d’hier. En vingt ans, plus de 2000 agences ont fermé en Suisse. Petit miracle dans ce contexte général plus que morose, un voyagiste genevois fait mieux que résister… Il est en plein essor grâce notamment au créneau du tourisme chrétien.

Culture au sens large

Concrètement, son agence à la rue de Lausanne, fondée en 1998, compte désormais trois autres succursales à Meyrin, Montreux et Zurich. Côté personnel, elle emploie une trentaine de collaborateurs, lesquels s’occupent de près de 8000 voyageurs pèlerins par an. Une croissance qui se reflète également dans le chiffre d’affaires, non communiqué, mais qui se compte en millions, et dont 25% proviennent des pèlerinages et groupes chrétiens!

C’est d’ailleurs le voyage de 600 fidèles à Rome, à l’occasion de la canonisation de la fribourgeoise Marguerite Bays au mois d’octobre prochain (lire encadré), qui remet l’agence Ad gentes, c’est ainsi qu’elle se nomme, sous les feux de l’actualité. «Le tourisme chrétien ne se limite pas aux destinations phares telles que Rome, Lourdes, Jérusalem ou Fatima, tient à préciser d’emblée Alexandre Python, directeur et fondateur de l’agence. Les hauts lieux de la religion chrétienne sont présents dans le monde entier. Et tous nos clients ne sont pas croyants, certains ne sont intéressés que par le côté culturel du voyage.»

Neufs morts qui changent tout

Reste à évoquer l’origine de cette improbable success story. «L’essentiel revient à l’Eternel», répond sans hésitation l’ancien séminariste, aujourd’hui père de famille nombreuse. Avant de poursuivre: «L’idée de lancer une agence m’est tombée dessus comme un appel au séminaire en 1994 au lendemain des premiers massacres au Rwanda au cours desquels mes frères dans la foi Cyprien et Daphrose Rugamba (ndlr: reconnu «Serviteur de Dieu» par le Vatican) et sept de leurs neufs enfants ont été tués. Après une formation ad-hoc, j’ai ouvert le 30 janvier 1998 dans mon salon avec ma fille dans les bras», rappelle le Genevois d’origine fribourgeoise.

Le nom de son agence se serait imposé à lui lors d’une prière. Il signifie «vers les gens». «Cela reflète bien notre vision qui est de voir le tourisme comme un instrument de paix par de véritables rencontres de l’autre et permettant de construire un monde meilleur, en commençant par soi.»

Sa stratégie passe par la prière!

Au fil des ans, ces valeurs ont séduit et fidélisé les voyageurs chrétiens ou non. Tant et si bien que l’agence se paye périodiquement le luxe de refuser des clients pour des raisons éthiques. Ce fut notamment le cas avec un voyage à Prague qu’une société offrait à ses employés mais que ces derniers comptaient surtout mettre à profit pour connaître bibliquement de jolies Tchèques.

Côté dossiers asiatiques, le voyagiste pousse son credo jusqu’à glisser un flyer en faveur d’une ONG partenaire se battant contre l’exploitation des enfants sur ce continent. «Certains partenaires nous ont laissés tomber à cause de ça mais cela ne nous intéresse pas d’avoir plus de clients à tout prix», explique Alexandre Python. Le fervent catholique de 51 ans confesse aussi sans honte que son business repose beaucoup sur la prière. «J’ai toujours eu confiance. Dieu m’a inspiré ce projet. S’il perdure c’est grâce à Lui et ceci me donne un grand détachement. Chez nous, Jésus est le boss, Saint Joseph (ndlr: patron des travailleurs) l’intendant et je ne suis qu’un serviteur entouré par une sacrée équipe!»

www.ad-gentes.ch

Des Genevois assisteront à la canonisation de Margurite Bays

Le 13 octobre prochain, la Bienheureuse Marguerite Bays (1815-1879), sera «promue» Sainte par le pape François. La couturière de Siviriez (FR) était connue pour sa piété et sa bonté mais aussi pour recevoir les stigmates et revivre la passion du Christ chaque vendredi. Deux miracles lui sont reconnus par le Vatican. Le dernier date de 1998. La future Sainte aurait sauvé une fillette de 22 mois écrasée sous un tracteur de 2,5 tonnes. Environ 600 Suisses se rendront à Rome pour sa canonisation. Parmi eux, une écrasante majorité de Fribourgeois mais aussi quelque Genevois. La paroisse de Versoix s’y rendra également en bus. Pour Alexandre Python, patron d’Ad gentes, agence chargée d’organiser ce pèlerinage, «c’est un sacré défi car la date exacte n’est tombée que trois mois avant l’échéance ce qui est très court». Et l’ancien séminariste de préciser malicieusement: «Mais j’ai déjà mis Marguerite Bays sur le coup dans mes prières. Son intercession va aider!»