Genève-Vaud: meilleurs ennemis du monde

  • Le 1er janvier prochain, la réforme de l’imposition des entreprises RIE III entrera en vigueur chez nos voisins.
  • Cet avantage compétitif fait souffler un vent de panique au bout du lac.
  • Doit-on s’attendre à un exode des PME genevoises en terres vaudoises?

  • Entre Vaud et Genève, la différence de taxation des entreprises sera de 43%, dès le 1er janvier 2019. Un gouffre! 123RF/SAM 74100/FEDOR SELIVANOV

    Entre Vaud et Genève, la différence de taxation des entreprises sera de 43%, dès le 1er janvier 2019. Un gouffre! 123RF/SAM 74100/FEDOR SELIVANOV

«L’attractivité de Genève reste importante pour de multiples raisons»

Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat en charge des Finances

Dès le 1er janvier prochain, les bénéfices d’une PME établie à Coppet seront taxés à 13,79%. Une même entreprise installée à Versoix aura un taux inchangé de 24,2%. A seulement 6 km de distance, la différence de taxation est donc de 43%. Un gouffre! A cette date, en effet, la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) entrera en vigueur dans le canton de Vaud.

Marco*, le patron d’une entreprise versoisienne, se pose sérieusement la question d’un déménagement: «Le jeu en vaut la chandelle car nous sommes actifs dans les services. Il faut donc juste bouger quelques ordinateurs et une dizaine de bureaux. Je ne suis pas le seul à vouloir partir.» Cette tentation est bien connue des milieux patronaux: «Je suis inquiète, car les entreprises mobiles seront tentées de déménager tout ou partie de leurs activités pour profiter de cette imposition moindre dans le canton de Vaud, note Véronique Kämpfen, directrice de la communication à la Fédération des entreprises romandes. Genève doit mettre en œuvre sa propre réforme de l’imposition des entreprises au plus vite.»

Façade consensuelle

Dans ce contexte de concurrence accrue entre les deux cantons, Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat en charge du Département des finances, calme le jeu: «Il est vrai que la sécurité juridique et la prévisibilité sont essentielles pour les entreprises. Nous traversons certes une période de transition, mais l’attractivité de Genève reste importante pour de multiples raisons. Il ne s’agit pas de jouer la concurrence mais plutôt la complémentarité. Nos deux cantons, les entreprises et la population, profiteront d’une vision commune et cohérente en matière de fiscalité.» Avant de rappeler: «Le Conseil d’Etat genevois a finalisé le projet cantonal de réforme de l’imposition des entreprises. Celui-ci prévoit un taux d’imposition sur le bénéfice de 13,79% ainsi que différentes mesures permettant de réduire le manque à gagner fiscal immédiat de la réforme. Nous nous sommes donnés pour objectif une entrée en vigueur le 1er janvier 2020.» Pour autant que le projet fédéral de réforme fiscale et de financement de l’AVS (RFFA) soit accepté par le peuple au mois de mai prochain. Et au vu des premiers sondages, ce n’est pas encore gagné puisque 51% des Suisses y seraient opposés.

Chiffres à nuancer

L’enjeu est de taille pour les deux cantons. Il consiste à maintenir les entreprises déjà installées, mais aussi d’en attirer de nouvelles. Que disent les derniers chiffres? En 2017, 24 nouvelles sociétés se sont implantées en terres vaudoises et 22 à Genève. Le magistrat Pierre Maudet, en charge du Département de la sécurité, nuance: «Réfléchir en termes quantitatifs n’est pas adéquat. Seule une approche qualitative est véritablement cohérente en matière de promotion économique. A ce titre, la prévision du nombre d’emplois générés après trois ans par les 22 nouvelles sociétés étrangères installées à Genève est d’environ 300 créations de postes de travail, soit le même nombre qu’en 2013, parmi les années record en chiffres absolus.» Avant de préciser: «Genève, qui dispose d’atouts uniques, comme un aéroport performant, un environnement international solide, ainsi qu’un tissu économique dynamique et innovant, a toutes les cartes en mains pour maintenir, voire renforcer son attractivité. A condition de mener à terme, sans plus attendre, la réforme fiscale et de financement de l’AVS.»

* nom connu de la rédaction