La facture des indemnisations lors d'acquittements coûte cher à la justice. Elle est en effet passée de 300'000 francs à 1,2 million en deux ans! Quels sont les acquittements ou classements qui ont autant alourdi la «douloureuse» de la justice? «L'introduction de la nouvelle procédure pénale de 2011, lance d'emblée Vincent Derouand, directeur de la communication du pouvoir judiciaire. Les cas d'application sont désormais plus nombreux que sous l'ancien droit. Et la loi ne fixe plus le montant maximum de l'indemnité.»Effectivement, auparavant l'indemnisation était plafonnée à 100 francs par jour de détention et ne pouvait pas dépasser 10'000 francs. Aujourd'hui, elle s'élève entre 100 ou 200 francs par jour de détention et il n'y a plus de plafonnement.
Affaire BCGe détonateur
En 2011, dans le cadre du procès de la BCGe, la Cour de justice avait accordé une forte indemnisation à Dominique Ducret, ex-directeur de la Banque cantonale. La procédure ayant fait l'objet d'un recours, elle est toujours pendante. Ainsi, le million et demi réclamé aujourd'hui par l'ex-dirigeant risque de faire encore plus éclater le budget 2013 du pouvoir judiciaire (lire ci-contre).
Cas d'école
En effet, depuis l'arrêt de la Cour de justice accordant de fortes indemnisations pour tort moral aux ex-dirigeants dans le procès de la BCGe, les avocats l'évoquent systématiquement lors de leurs plaidoiries. Pourquoi? «Les juges ont très largement dépassé l'ancien plafonnement en accordant 60'000 francs à Dominique Ducret, sourit un avocat. Cela nous permet désormais de référer cet arrêt si le prévenu a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité.»
Qui peut en bénéficier?
Mais qui sont aujourd'hui ces détenus qui peuvent réclamer et bénéficier d'une indemnisation? «Les prévenus faisant l'objet d'une ordonnance de classement ou acquittés totalement ou partiellement et qui enfont la demande au cours du procès», indique le pouvoir judiciaire. La justice ne divulgue pas les procès où des prévenus ont été indemnisés. Les indemnistés peuvent être octroyées dans n'importe quelle affaire, allant de la circulation routière, au viol, meurtre, cambriolage. «Des indemnitées ont été versées à 155 reprises au cours de l'année dernière, et les sommes variaient entre 100 et 100'000 francs», poursuit Vincent Derouand (lire ci-dessous).
Affaires médiatisées
Parmi les dernières affaires médiatisées par l'octroi de fortes indemnisations, se trouve celle d'un viol. Un Jamaïquain de 29 ans, acquitté en juin dernier, a en effet obtenu 16'000 francs pour 163 jours de détention provisoire injustifiée. L'Etat lui paiera en plus 45'000 francs de frais d'avocat. Cette indemnisation était très particulière car elle remettait en cause la méthode de travail du Ministère public dans l'interrogatoire d'un autre témoin de l'affaire. Dans un premier temps, ce témoin chargeait le Jamaïquain, puis s'était rétracté en cours d'instruction. Le Ministère public l'avait alors menacé de le poursuivre pour complicité s'il ne revenait pas sur ses premières déclarations. Un fait dénoncé à Chambre pénale d'appel et de révision. Qui a aussitôt tancé le Ministère public.
Epicier acquitté
Autre affaire qui a fait la Une des quotidiens. Celle de l'épicier des Pâquis, accusé d'avoir commandité l'assassinat d'un gendarme qui contrôlait de manière trop opiniâtre ses commerces. L'épicier de 31 ans, Suisse d'origine afghane, a finalement été blanchi. Et parce que sa réputation de commerçant a été ternie, la justice lui a octroyé, le printemps dernier, une indemnité de 15'000 francs. Parallèlement, l'Etat a payé les 30'000 francs d'avocat. Pour l'heure, aucun montant n'a été versé car le Ministère public a fait recours.